Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/424

Cette page a été validée par deux contributeurs.
420
REVUE DES DEUX MONDES.

et, pour cela, il est nécessaire d’aller toujours au fond des choses. Priestley avait découvert l’oxigène dans l’air ; Lavoisier analyse ce dernier, isole ses deux principes, les étudie séparément, puis, en les mélangeant, il reproduit l’air atmosphérique. Cavendisch avait soupçonné que l’eau était un composé ; Lavoisier sépare les deux gaz qui lui donnent naissance, et reproduit ensuite de toutes pièces ce corps, de tout temps réputé élémentaire. Enfin il ne se contente pas d’opposer aux défenseurs du phlogistique le fait déjà connu de l’augmentation du poids des métaux dans la calcination, il ajoute que cette augmentation tient à la combinaison du métal avec un des principes de l’air, l’oxigène ; il prouve qu’on peut reproduire ce dernier sous sa forme primitive, et que son poids représente exactement ce que le métal avait gagné par son union avec lui. Il détruit ainsi d’un seul coup toute la théorie de Stahl. Sans doute, ses adversaires ne cédèrent pas au premier choc : une erreur qui règne en vertu du droit de la vieille barbe, comme dit Mallebranche, ne se laisse pas facilement extirper ; mais le génie sortit victorieux de la lutte qu’il avait engagée contre l’erreur, et, à l’époque où commençaient les gigantesques mouvemens politiques du dernier siècle, Lavoisier mettait la dernière main à la plus grande, à la plus complète des révolutions que la science ait consignée dans ses annales.

Nous ne dirons rien des travaux de Lavoisier sur la physique proprement dite, ce serait s’écarter trop loin de notre sujet ; mais nous devons indiquer ses recherches sur la chaleur. Il reconnut qu’un corps, en absorbant du calorique, n’augmente pas de poids, et caractérisa ce fluide par l’épithète d’impondérable, qui s’applique à quelques autres encore. Il distingua le calorique libre ou sensible, dont le thermomètre nous révèle la présence, du calorique combiné ou latent, qui sert à changer l’état des corps, à transformer, par exemple, la glace en eau liquide ou en vapeur. Les gaz sont pour lui des vapeurs permanentes, les solides sont des liquides qui ont perdu leur calorique latent. Si la température de notre globe s’abaissait au-dessous de zéro, toute l’eau qui se trouve à sa surface se changerait en roches de glaces ; si la diminution de chaleur atteignait certaines limites, notre atmosphère elle-même se liquéfierait ou se solidifierait en tout ou en partie. On sait que l’expérience est venue confirmer ces magnifiques prévisions ; ainsi, entre les mains de Lavoisier, la chimie, toujours appuyée sur les faits, ose aborder pour la première fois la physique générale du globe.

On comprend que l’étude des phénomènes vitaux ne pouvait