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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

Les rapports qui existent actuellement entre les Mirdites et les serbes du Monténégro rappellent à plus d’un titre ceux des Maronites avec les Druses du Liban. Comme les catholiques de Syrie, les Mirdites, confédération militaire décimée par des luttes intestines, se voient atteints par l’influence envahissante d’une nation également guerrière, qui, démocrate dans ses foyers, tend à former chez ses voisins plus faibles une aristocratie de braves. Mais ces braves ne sont pas, comme au Liban, une secte mahométane, ce sont des chrétiens, seulement révoltés contre le pape. D’autres liens existent encore entre les Mirdites et les Monténégrins. Les terribles schismatiques de la Montagne noire donnent à leur prince évêque le titre de métropolite de Skadar, en témoignage de l’union qui exista et qui doit renaître entre leur pays et la Mirdita. Il paraît même qu’à cause de cette alliance avec les noirs ou rebelles du Monténégro, les Mirdites furent longtemps considérés comme des Albanais noirs ; et peut-être ne furent-ils en effet d’abord que des esclaves insurgés contre leurs premiers maîtres, les blancs ou Albanais purs, et réfugiés chez les Slaves. Quoi qu’il en soit, placés maintenant sous la pression croissante du Monténégro ; il ne leur reste plus, pour conserver leurs antiques priviléges, d’autre ressource que de se confédérer franchement avec les schismatiques, aujourd’hui qu’ils peuvent encore le faire presque d’égal à égal. Mais le temps presse, les Slaves grandissent en Orient : encore quelques années, et ils sommeront peut-être les Mirdites latins de se rendre sans condition.

Ainsi les Albanais sont menacés de disparaître du rang des peuples, puisque, d’un côté, ceux du nord retournent d’eux-mêmes à l’Ilirie, pendant que ceux du sud tendent à se confondre avec la Grèce. Le cours naturel des évènemens a déjà presque réuni l’Épire à la Thessalie et à la Macédoine ; ces trois provinces, qui ont une histoire commune, ne forment plus qu’un seul corps moral, industriel, administratif. On ne reconnaît plus la turbulente Toskarie, naguère si dédaigneuse pour tous les maîtres, et dont les beys, comme Achille qui semble avoir été un de leurs aïeux, défiaient les héros de l’Hellénie et répandaient au loin la mort. Ces Djamides si beaux, qu’on rencontrait couverts d’armes dorées, et qui semblaient revenir de Troie en flammes ou d’une campagne glorieuse sous un autre Pyrrhus, tous ces poétiques guerriers sont maintenant avilis par le joug. Leurs femmes aux pieds si fins, au port si gracieux et si svelte, au regard si dominateur, languissent dans la misère, heureuses quand elles ne doivent pas s’atteler à la charrue en place du