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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

à M. Dacier. Cette lettre fit grande sensation. Mais Champollion était sur le point d’étendre ces découvertes. Il croyait encore que les noms propres étrangers étaient les seuls que les Égyptiens eussent écrits en hiéroglyphes phonétiques : il vit bientôt qu’ils avaient employé le même procédé pour les noms propres égyptiens. M. Salt, consul d’Angleterre, reçut à Alexandrie la lettre à M. Dacier. Il demeure incrédule, part pour la Haute-Égypte afin de réfuter d’après les monumens la nouvelle théorie. À sa grande surprise, il la trouve vérifiée, et non-seulement il est convaincu, mais il parvient à lire avec l’alphabet de Champollion les noms des Pharaons. Il publie le résultat de ses nouvelles recherches ; mais Champollion venait aussi d’y parvenir de son côté à Paris. M. Cailliaud avait rapporté la caisse de la momie d’un certain Pétéménophis : c’était un nom égyptien. Il se trouvait écrit à la fois en grec et en hiéroglyphes phonétiques : donc les Égyptiens écrivaient par ce moyen leurs propres noms. Champollion conçut ainsi l’espoir de lire les noms des anciens rois ; il ne tarda pas à y réussir.

Encore une fois cependant il devait étendre ses idées. Ses lectures lui firent découvrir que l’usage des hiéroglyphes phonétiques n’était pas restreint aux noms propres. À vrai dire, on aurait pu le présumer, d’après le caractère même de l’écriture symbolique ; car elle figure les idées prises d’une manière abstraite, sans marquer leurs rapports, et il est naturel que les formes grammaticales qui expriment ces rapports soient écrites phonétiquement. Champollion les reconnut, avec son alphabet, telles qu’elles sont dans le copte, et lut aussi un assez grand nombre de mots égyptiens écrits en hiéroglyphes phonétiques. Il finit donc par se convaincre que cette sorte de hiéroglyphes est d’un usage très général, et qu’elle est la clé de tout le système.

Il avait cependant rencontré en chemin un fait qui aurait pu facilement le dérouter ; il trouvait, dans la suite de ses lectures, des signes différens pour le même son, et son alphabet allait s’embarrassant d’une foule de caractères. Ce grand nombre de signes était ce qui lui avait fait refuser aux écritures sacerdotale et vulgaire le caractère alphabétique ; mais alors Champollion ne pouvait rétrograder : il était trop sûr des pas qu’il avait faits. Il ne douta pas de son alphabet, et il réussit bientôt à se rendre compte de l’étrange particularité qui l’avait surpris. Les hiéroglyphes phonétiques représentent un objet dont le nom commence en égyptien par le son à exprimer. On comprend comment il était facile ainsi d’avoir plusieurs