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pide. On devait donc s’attendre à voir cesser entièrement le système presque conciliatoire qui avait si souvent ouvert le port de Canton au commerce anglais, au moment même où les hostilités étaient le plus actives. On ne transigerait plus avec l’honneur du pays ; il deviendrait le premier, le seul intérêt. La presse anglaise de Macao accueillit cette manifestation sans élever une seule objection ; le commerce, dans l’attente du succès immédiat des mesures qu’allait prendre le nouveau plénipotentiaire, accepta sans murmurer les nouvelles pertes qu’on lui faisait prévoir. Il y eut un instant où la communauté anglaise se montra digne de faire partie de cette grande nation qui ne recule devant aucun sacrifice, quand le pays l’exige. Sir Henri arrivait évidemment en Chine bien préparé contre la perfidie des autorités chinoises ; déjà sa circulaire contenait les mêmes injonctions que toutes celles que M. Elliot avait publiées : le commerce anglais ne se porterait vers Canton qu’à ses risques et périls ; le nouvel établissement d’Hong-kong restait également tel que son prédécesseur l’avait formé. Qu’y avait-il donc de changé dans le système de l’Angleterre qui dût exciter à un aussi haut degré l’enthousiasme de la presse anglaise ? Pourquoi le commerce anglais recevait-il cette communication presque avec des cris de joie ? Sir H. Pottinger tenait à ses nationaux un langage un peu plus rude que celui qu’ils étaient habitués à entendre de M. Elliot. Il leur disait ouvertement que leurs intérêts particuliers seraient à peine consultés. C’était presque un blâme public de leur conduite passée, de leur opiniâtre opposition à toutes les mesures prises par les agens du gouvernement. Peut-être commençait-on à sentir qu’on avait jusque-là plutôt nui à la cause commune qu’on ne l’avait servie ; peut-être aussi la démonstration énergique de sir H. Pottinger inspirait-elle plus de confiance dans le caractère du nouveau plénipotentiaire. On pensait sans doute qu’il traiterait les autorités chinoises avec d’autant plus de sévérité qu’il mettait moins d’aménité dans ses relations avec ses concitoyens ; enfin on croyait voir dans sa déclaration l’annonce d’un système fort et énergique ; c’était pour ainsi dire l’aurore d’une ère nouvelle qu’on accueillait sans trop de réflexions. On alla plus loin, on oublia ou on chercha à se dissimuler les obstacles devant lesquels avaient échoué tous les efforts et toutes les bonnes intentions de M. Elliot.

Peu de jours après l’arrivée de sir H. Pottinger, le kwang-choo-foo, ou préfet de Canton, vint à Macao dans le but d’avoir une entrevue avec le plénipotentiaire. Cette faveur lui fut refusée, et on prétend que ce fonctionnaire consentit à s’aboucher avec le secrétaire de la légation. Cette condescendance du fonctionnaire chinois me paraît peu probable. Toujours est-il que le refus de recevoir le préfet de Canton fut un acte de bonne politique de la part de sir Henri. Cette entrevue ne devait produire aucun résultat, puisque l’expérience avait prouvé que les autorités chinoises étaient sans pouvoirs pour conclure un arrangement définitif ; le plénipotentiaire anglais se plaçait d’ailleurs à la hauteur de sa position, en refusant de recevoir un fonctionnaire chinois d’un rang inférieur au sien. Les Chinois n’étaient pas habitués à se voir traités