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STATISTIQUE LITTÉRAIRE.

est difficile d’être neuf à propos de Jupiter, de l’Olympe et des Néréides, après Homère, Virgile ou Chénier, on a tenté une sorte de compromis entre les souvenirs de l’art antique et les inspirations habituelles de l’art moderne, les sentimens chrétiens et les mythes grecs, Goethe et Platon, et l’Eurotas, où se mirent les lauriers-roses, a confondu ses flots limpides avec ces flots gris du vieux Rhin, où se mirent des ponts de pierre. Dans cette course sans arrêt à travers les temps et l’espace, on est allé au-delà d’Homère et plus loin que la Grèce. La Première Babylone nous a rendu, avec les merveilles du vieux monde oriental, le miracle linguistique de la tour de Babel ; nous avons entendu les fleurs et les marbres du jardin de Sémiramis causer avec les étoiles, tantôt en syriaque, tantôt en vers alexandrins. — Ésope ne faisait parler que les bêtes ; nos poètes sont en progrès sur Ésope. Dans la Première Babylone, ce sont des pierres de taille qui font la conversation avec les astres ; ailleurs, c’est un dialogue entre des cartons et des épées ; c’est une causerie lyrique entre des arbres et le tonnerre, entre des cailloux et des sources. Tout a été mis en œuvre pour réveiller l’attention, mais en vain : de toutes les productions malencontreuses des muses contemporaines, ce sont les monumens cyclopéens qui ont croulé les premiers, et les maîtres eux-mêmes n’ont rencontré le plus souvent que la langueur et l’ennui. Était-ce la faute du public, qui n’avait pas le temps de lire, ou la faute des maîtres, qui ne se donnaient pas le temps d’achever et de polir ? Du reste, cette indifférence pour les œuvres de longue haleine, qu’on parcourt à petites journées, date de loin, et M. Limojon de Saint-Didier, poète épique, s’en plaignait déjà très vivement en 1725, dans la préface de son Clovis.

Peut-être serons-nous plus heureux, peut-être trouverons-nous l’occasion d’admirer dans ces poésies élégiaques, intimes et méditatives, dont le flot mélancolique n’a cessé de monter et de gémir depuis dix ans.

Aux époques naïves, et même en 1824, le titre d’un volume de poésie exprimait simplement le genre traité par l’auteur. C’étaient des odes, des épîtres, des poésies légères, des héroïdes, des satires. Aujourd’hui, le titre est un symbole. Rien n’est plus raffiné. Quand l’auteur a des intentions lyriques, il donne à son recueil une étiquette sonore et musicale : — Mélodies, Préludes, Nocturnes, Voix de la Lyre, Voix de la Harpe, Chants de l’Ame, Chants du Cœur, Chants du Matin, Chants de l’Aurore. Les amis attendris de la nature choisissent de préférence leurs titres dans la dendrologie ou l’Almanach du bon Jardinier. Ainsi, nous avons des Feuilles mortes, des Feuilles de Saule, des Branches d’Amandier, des Branches d’Olivier, des Églantiers. Nous avons des Palmiers et des Cyprès. Non omnes arbusta juvant. Puis les fleurs : Fleurs du Midi, Fleurs de la Provence, Fleurs des Alpes, Fleurs des Champs. Nous avons des Roses blanches, des Primevères, des Pervenches, des Lis, des Marguerites. Je cite textuellement. C’est un parterre émaillé, tout un petit jardin du Luxembourg ou des Tuileries. Après les fleurs, les oiseaux, l’ornithologie après la botanique : Fauvettes, Oiseaux de passage, Ramiers. Puis la météorologie : Gouttes de Pluie, Gouttes de