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gnifique, a eu, comme le traducteur français, le mérite de comprendre le sens et la valeur historique des sept cents vers du païen Rutilius. Pendant qu’on les réimprimait à Oxford avec un grand luxe, la société camdenienne continuait ses travaux et publiait plusieurs tomes de lettres, de mémoires, de chants populaires, recueillis dans la poudre du musée britannique[1], anecdotes moisies, débris des vieux temps, curiosités, raretés, souvent pleines d’intérêt. En même temps on éditait à Londres les œuvres de Fuller, de Fox, de Bunyan, de Baillie. Recherches d’antiquités, notes, commentaires, observations de mœurs anciennes, tout ce qui est érudition ne manque pas. On est si cruellement fatigué de la littérature moderne, que l’on réimprime jusqu’aux œuvres des théologiens, controversistes ou satiriques du XVIe et du XVIIe siècle ; ces éditions trouvent des acheteurs. « Leur noisette, comme disait Swift d’ingénieuse mémoire, était un peu dure à casser ; mais enfin on y trouvait une amande. » Il vient de nous arriver vingt de ces volumes antiques et nouveaux, qui n’ont guère plus d’ordre que ceux de Tiraqueau ou de Beroalde, mais qui, en revanche, se distinguent par l’éclat de l’esprit et le pittoresque du style. On a raison de réimprimer les auteurs qui ont quelque chose à dire, qui ne se contentent pas, selon la présente mode américaine, de classer soigneusement des matériaux vulgaires dans les compartimens creux de leurs chapitres ; esprits vigoureux, pleins d’idées, à qui les apparences ne suffisent pas, et qui, avant tout, veulent penser ; tous les jours plus rares, et tous les jours plus estimables ; intelligences à la Montaigne, à la Bacon, à la Cervantes ; hommes de réalité, et non de faux semblans ! Fuller et Baillie étaient de ce nombre.

En 1637, un prudent et sage Écossais, du nom de Robert Baillie, principal de l’université de Glascow, fut député auprès du parlement de Londres par ses frères les puritains d’Édimbourg. C’était l’époque sanglante et orageuse où Strafford essayait de protéger la couronne et la tête de son maître, Charles Ier, et où Cromwell, confondu encore dans les rangs de la bourgeoisie puritaine, se faisait d’avance roi des esprits et maître des ames. Notre principal d’université était bavard, curieux et bon enfant. Il était surtout canny, comme disent les Écossais. Un homme canny, c’est un homme canning, cunning, konning, knowing, judicieux et sagace. La canniness va jusqu’à l’adresse et s’arrête à la fraude.

  1. Plumpton correspondance, etc., edited by Thomas Stapleton. — Anecdotes and traditions illustrative of english history, edited by W. J. Thoms. — The Political songs of England, edited by Thomas Wright. — Confessio Goliœ, etc.