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L’Europe avait d’abord été bienveillante ; elle voulut ensuite être neutre ; elle devint enfin inquiète et menaçante ; les rois ne se décidèrent à intervenir que lorsqu’ils se crurent personnellement en danger. Ils laissèrent passer les décrets révolutionnaires de l’assemblée constituante, les troubles des 5 et 6 octobre, la décision sur le veto, la constitution civile du clergé, l’abolition des titres, la fédération ; ce ne fut que la suspension de Louis XVI, après la fuite de Varennes, qui les amena à se concerter. Encore les hostilités ne commencèrent-elles pas immédiatement ; un an entier s’écoula entre le traité de Pilnitz et l’invasion, et cette année fut remplie par la proclamation de la constitution de 1791, la réunion de l’assemblée législative, le soulèvement de la Vendée, la domination croissante du parti républicain, les décrets contre les prêtres réfractaires et les princes émigrés, et enfin la déclaration de guerre de l’assemblée à l’empereur.

L’agression fut presque toujours du côté de la révolution. La déclaration de guerre de la France est du 20 avril 1792, le manifeste du duc de Brunswick n’est que du 25 juillet suivant ; les rois avaient encore laissé passer trois mois avant de relever le gant, et dans l’intervalle était survenue la journée populaire du 20 juin, qui ne laissait plus de doute possible sur la chute imminente de la royauté. Même après ce manifeste, il n’y avait d’engagé dans la guerre que l’empereur et le roi de Prusse ; le reste de l’Europe demeurait immobile. La révolution n’en fit pas moins une foudroyante réponse ; elle s’empressa de se précipiter avec une rapidité inouie jusqu’aux dernières extrémités ; la journée du 10 août, les massacres de septembre, la réunion de la convention, la proclamation de la république, le jugement et la mort de Louis XVI se succédèrent en moins de six mois. Quelques-unes de ces démonstrations terribles purent avoir leur utilité, mais elles furent bientôt hors de toute proportion avec le danger réel du pays. La seule journée de Valmy avait suffi, dès les premiers jours de septembre, pour arrêter les Prussiens. Quand la république fut proclamée, l’ennemi était déjà en retraite de toutes parts. Quand le procès du roi commença, l’armée française avait repris l’offensive sur les Alpes, sur le Rhin, dans les Flandres, partout ; Mayence était occupé par nos troupes, la Savoie était envahie, la victoire de Jemmapes nous livrait la Belgique.

La catastrophe du 21 janvier ne fut pas l’effet, mais la cause de la coalition. L’empereur et le roi de Prusse étaient prêts à traiter ; les