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par tous les souverains qui voudraient donner à leur puissance le plus solide appui, celui de la prospérité de leurs états. Quelle eût été l’influence des travaux de la première assemblée, si les chefs du parti dominant eussent senti que le premier devoir de tous ceux qui sont appelés à gouverner les peuples est de respecter constamment les règles de la justice, s’ils eussent pu comprendre que les droits des sujets peuvent se concilier avec ceux des rois, et qu’il était facile de les intéresser tous également au maintien de la liberté ! Les Français, dont les relations avec les autres contrées sont si multipliées, dont la langue est devenue universelle en Europe, eussent répandu partout des leçons de sagesse et de bonheur. Insensés et cruels auteurs des maux de la France, vous avez trompé l’espérance et trahi les intérêts du genre humain ; vous avez déshonoré les noms de patriotisme et de liberté ; vous n’avez pas rougi d’employer, pour surprendre la confiance de la multitude, des principes de raison et de justice dont vous avez dénaturé le sens par de fausses interprétations. Bien loin de travailler à l’affranchissement des peuples partout où existe le despotisme, vous l’avez consolidé plus qu’il ne le fut jamais. Vous avez soumis, dans le conseil des princes, tous les sentimens de générosité à des calculs de prudence ; vous leur avez appris que le meilleur des rois peut voir tourner contre lui ses propres bienfaits, être réduit au sort le plus déplorable, par les mains de ceux dont il aurait mérité la reconnaissance. Vous avez armé contre la liberté la plupart des ministres des cultes divins, tous les hommes distingués par leur rang ou leur fortune, tous ceux qui pouvaient craindre qu’une tentative en sa faveur ne soit, comme en France, une source de crimes ou d’oppression. Et si de funestes pressentimens qu’autorisent les effets de vos institutions viennent à se réaliser, si la France retombe sous le despotisme ou devient la proie des étrangers, puisse la liberté ne pas être bannie de l’univers ! puisse la raison humaine trouver un asile, et ne pas rétrograder dans toute l’Europe à ce qu’elle était dans le XIIIe siècle ! »

Ces paroles, écrites et publiées en 1792, ont été en partie justifiées par l’histoire de ces cinquante dernières années. On ne se souvient pas assez de ce qu’était la situation générale des gouvernemens et des peuples en 1789, et de tous les pas rétrogrades que les violences de la révolution française ont fait faire depuis à la cause de la liberté universelle. Avant 1789, les idées de la philosophie du XVIIIe siècle avaient pénétré dans toute l’Europe et gagné jusqu’aux princes. En