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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

tion, et qui réduisent la mauvaise foi elle-même au silence. C’est sans doute une grande et belle idée que d’exposer tous les principes avant d’en tirer les conséquences, de faire remonter les hommes à la source de leurs droits ; mais il faut que cette déclaration des droits soit aussi claire, aussi courte, aussi réduite qu’il se pourra, que, le principe posé, on se hâte d’en tirer la véritable conséquence, de peur que d’autres n’en tirent pas une fausse, et qu’après avoir transporté l’homme dans les forêts, on le reporte sur-le-champ au milieu de la France. »

Ces réflexions étaient bien justes, bien pratiques, pour réussir complètement dans ces jours d’espérance illimitée et d’orgueilleuse illusion. Une déclaration des droits fut votée avec cet appareil de rédaction métaphysique qu’il eût été sage d’éviter. Les disputes éternelles que le rapport avait prévues n’ont pas manqué depuis de se réaliser ; à chaque constitution nouvelle, la déclaration a donné lieu à de nouveaux débats, jusqu’à ce qu’on en soit venu à ces formules simples, courtes, qui n’admettent ni discussion ni définition, et qui portent avec elles un commandement en même temps qu’elles expriment un principe : tous les Français sont égaux devant la loi, nul ne peut être distrait de ses juges naturels, la liberté individuelle est garantie, etc. Ici déjà, nous trouvons Mounier et son parti fort en avant du reste de l’assemblée. Aussi bien que Lafayette et Mirabeau, il veut proclamer les droits nouveaux que le progrès du temps a amenés, mais il ne veut pas leur donner la forme d’abstractions. Ce sont des faits qu’il constate et non des systèmes qu’il enseigne. Le système est plus large, mais plus douteux ; le fait est plus borné, mais plus sûr. C’est une prétention naturelle à l’homme, surtout dans un temps de rénovation, que celle de s’élever jusqu’à la vérité absolue et de l’écrire pour l’avenir sur l’indestructible airain ; le sage résiste à la séduction, il craint ses propres erreurs et les erreurs d’autrui, il ne transporte pas le genre humain dans les forêts, suivant l’heureuse expression du rapport, et se borne à suivre pas à pas les changemens irrésistibles survenus dans la société.

La seconde question était celle de la forme du gouvernement. Pour Mounier, comme pour l’assemblée et la France entière en ce moment, la forme du gouvernement devait être monarchique ; mais tous ne se rendaient pas également compte des conditions essentielles de la monarchie. On était d’accord sur le nom, on ne l’était pas sur la chose. Mounier et ses amis maintinrent seuls la véritable notion du