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fixée. Ce serment, qui a été le noble préambule de notre régénération et le premier acte viril de l’assemblée, est en même temps le témoignage du courage politique de son auteur. Exclu du lieu ordinaire de ses séances et forcé de se rassembler dans la première salle qui pût le contenir, le tiers-état prit réellement possession ce jour-là de la puissance souveraine qu’il allait exercer. Voici le texte du décret tel qu’il fut rendu sur la proposition de Mounier :

« L’assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, à opérer la régénération de l’ordre public et à maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’assemblée nationale ;

« Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront à l’instant serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondemens solides, et que, ledit serment étant prêté, tous les membres, et chacun d’eux en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable. »

On sait quelle magnifique scène présenta cette séance, et de quel généreux enthousiasme battaient alors tous les cœurs. L’homme qui présenta cette déclaration si ferme, au moment où la cour ne dissimulait plus son ardente hostilité contre l’assemblée, quand les deux autres ordres ne s’étaient pas encore réunis au tiers, portait sans doute plus que personne, dans son ame, l’amour sincère de la liberté. Plus tard, Mounier s’est repenti un moment de ce qu’il avait fait ; mais, vers la fin de ses jours, il est revenu à sa première pensée, et il a eu raison. L’auteur du serment du jeu de paume ne saurait être responsable des horreurs qui ont suivi. Le moment était venu de constituer la nation française, et celui-là qui ne sentait pas profondément ce devoir n’était pas digne du titre de représentant. S’il y avait alors un danger que dût prévenir la sagesse humaine, c’était celui de tromper l’espoir de la France, et de la laisser encore dans la confusion d’où elle aspirait à sortir. Si l’assemblée ne s’était pas montrée fermement résolue à remplir sa mission, l’anarchie n’aurait été que plus prompte et plus terrible ; c’était servir le roi que de lui résister dans un pareil moment.

Il importe d’ailleurs de remarquer dans quels termes la déclaration était rédigée. En même temps que Mounier fit preuve d’une grande