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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

cumuler et affermer ainsi jusqu’à quinze ou vingt paroisses qui sont comme autant de champs fertiles dans lesquels il a seul droit de récolte, et où nul ne peut être baptisé, marié, enterré que par lui. Il est bon d’ajouter que, pour chacune de ces cérémonies, le prêtre exige une somme plus ou moins élevée, vingt piastres pour un mariage, de vingt à cinquante pour un convoi funèbre ; tout se paie enfin, jusqu’à l’eau bénite, jusqu’à la confession.

La Bulgarie compte quatre métropoles ou archevêchés, Ternov, Sofia, Silistrie et Varna, et seize évêchés dont les principaux sont Philibé, Kostendil, Sères, Verrhea, Lovits, Samokov, Kastoria, Kupreli et Skopia. Ceux d’Ochrida et de Vidin ont été abolis par la Porte. La hiérarchie bulgare avait autrefois à sa tête un primat faisant les fonctions de patriarche, et qui, bien que relevant pour l’investiture de celui de Constantinople, agissait dans tout le reste avec une entière indépendance. Même sous les Turcs, en 1463, il s’intitulait encore patriarche de Ternov et de toutes les Bulgaries. Bientôt le sultan trouva plus sage et plus sûr de faire gouverner ces églises éloignées par des créatures du patriarche grec, qu’il tenait sous sa main et dans la crainte continuelle du cordon. Cette centralisation religieuse réussit, elle évita aux Turcs la peine d’opérer une centralisation politique. Depuis lors il n’y a plus en Bulgarie que des évêques grecs, indifférens aux besoins, aux intérêts des localités, où ils ne viennent que pour s’enrichir promptement et retourner vivre au sein de leurs familles. Aussi la plupart de ces prélats ne connaissent pas même la langue du pays. Les habitans de Sofia remarquent cependant avec une certaine fierté, et comme une innovation de bon augure, que le jeune métropolitain actuel de cette ville sait le bulgare.

Les hommes éclairés du pays sentent bien que, tel qu’il est composé, le clergé de la Bulgarie est le plus grand obstacle à l’émancipation ; il est presque impossible qu’il s’élève une nationalité bulgare avant qu’il y ait un clergé national. On objectera que tout le bas clergé et les moines sont indigènes : oui, mais les foudres épiscopales menacent les prêtres bulgares qui osent manifester trop clairement leur patriotisme. D’ailleurs, la Porte a gagné le plus grand nombre de ces prêtres en leur accordant une foule d’exemptions qu’une révolution, même nationale, leur enlèverait ; c’est ainsi que l’égoïsme de quelques milliers de privilégiés retient esclaves quatre millions et demi d’individus.

Il faut bien l’avouer, les Bulgares sont dans la même position que presque tous les chrétiens d’Orient : sauf quelques glorieuses excep-