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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

qui seul en Europe rivalise avec les cours d’eau gigantesques de l’Inde et de l’Amérique. Il se divise à partir de ce point, et s’enfonce à travers les sables jusqu’à ce qu’enfin il se perde dans la mer, comme le Nil, par sept embouchures, dont aucune n’est malheureusement assez profonde pour les grands navires. La branche de Soulina elle-même, n’ayant au passage de la barre qu’une profondeur de douze pieds d’eau, est inaccessible aux bâtimens de guerre.

Sur aucun point du monde, il n’existe peut-être une frontière aussi profondément marquée que celle qui sépare les Bulgares des Moldo-Valaques. Les grandes et nombreuses îles du Danube sont, d’après les clauses mêmes des traités, complètement inhabitées. Tout l’espace compris entre Choumla et Soulina pourrait se comparer à ces vastes savanes d’Amérique, destinées à servir de champs de bataille aux tribus sauvages, qui ne s’y rencontrent jamais que les armes à la main.

L’ensablement du Danube et la dévastation du Dobroudja forcent le commerce bulgare à prendre pour son transit la voie de terre. C’est à travers les défilés les plus périlleux du Balkan que les caravanes vont porter les produits de l’Asie aux bazars danubiens de Silistrie, de Rouchtchouk, de Nikopoli, de Vidin, d’où ils passent en Allemagne. Ces quatre villes, qui sont les principales de la Bulgarie danubienne, étaient hérissées de fortifications avant la dernière campagne des Russes ; démantelées par eux, elles ne relèvent aujourd’hui que lentement leurs ceintures de murailles d’après le système européen. Nikopoli, perchée sur un roc aérien, est seule restée dans le même état qu’avant la guerre. Rouchtchouk, avec son immense palanke qui s’élève comme Nikopoli sur une montagne, n’est guère terrible que de loin. Cette grande ville contient de quinze à dix-huit mille cabanes, dont sept mille sont occupées par des Bulgares, des Arméniens et des juifs ; elle a de nombreuses manufactures de laine, de mousseline et de maroquin. Giurgevo, qui s’étend sur l’autre rive, dans les marais valaques, lui offre pour ses fabriques un important débouché.

Les Bulgares danubiens, qui peuplent les villes dont nous venons de parler, n’ont conservé que faiblement l’originalité du caractère national. Pour retrouver le vrai Bulgare, il faut s’enfoncer dans les montagnes du pachalik de Vidin, et suivre la vieille route qui, du fort ruiné de Sistov sur le Danube, mène à Ternov.

Cette cité célèbre est réduite à dix mille habitans. Située sur le versant d’une montagne, baignée par la Iantra, et entourée de