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MORALISTES DE LA FRANCE.

avec un accent pénétré et un retour pratique sur elle-même ; dès cet âge, en effet, elle dénoua la ceinture, qui n’avait renfermé pour elle que les graces pudiques. Tout nous dit qu’elle eût pu se la permettre encore. On prendrait une heureuse idée de sa personne à ce moment dans un très fin portrait de Clary, tracé par une main, j’allais dire une griffe, bien connue, non en telle matière pourtant, et peu coutumière d’écrire. Sa physionomie avait, comme son esprit, l’agrément durable ; des lèvres, des dents belles, et la vivacité des yeux, éclairaient le visage à proportion qu’on causait. Sa taille était restée jeune. Elle avait trente-deux ans, et en paraissait vingt-huit.

Elle voyait beaucoup, en ces années, Mme de Vintimille, et cette société d’élite dont le mouvement intérieur nous a été tout récemment rendu avec une vivacité aussi affectueuse que piquante par les lettres de M. Joubert. La société de Mme de Vintimille était plus et mieux qu’une suite du XVIIIe siècle. En ce temps où tout renaissait, il y avait, en certains coins, comme une reflorescence, et, si l’on peut dire, un regain du pur Louis XIV. Le goût remontait à ses hautes sources ; la religion, servie par M. de Chateaubriand, représentait ses grands modèles. Tandis qu’au dehors une librairie intelligente, aidant ce retour du public, réimprimait des collections d’anciens mémoires, de petits choix de lettres de Mme de Montmorency, de Mme de Scudéry, de Mme de Coulanges, on citait tel cercle où les femmes prenaient le deuil à l’anniversaire de la mort de Mme de Sévigné.

La mode des portraits de société, qui n’avait jamais entièrement cessé, semblait revivre comme au beau temps de Mademoiselle. Après celui de Mme d’Houdetot par Mme de Rémusat, je pourrais citer d’elle encore le portrait de Mme de Vintimille, et celui de M. Pasquier, lequel, à beaucoup d’égards, nous paraîtrait d’hier, tant les facultés aimables, que la société exerce, accompagnent sans peine jusqu’au bout les mérites solides. Mme de Rémusat, aux heures de liberté que lui laissaient ses fonctions de service officiel, désormais fort ralenties, aimait à rester chez elle. On y venait régulièrement ; on y causait beaucoup à la manière de l’ancien régime, et son salon de la place Louis XV fut tout-à-fait un de ceux du temps de l’empire. Le monde de Mme de Vintimille et celui de Mme d’Houdetot s’y retrouvaient avec quelques variantes et quelques rajeunissemens : c’étaient M. Molé, M. Suard et l’abbé Morellet, M. de Bausset (le cardinal), M. Galloix, M. Cuvier, Mlle de Meulan et M. Guizot, M. de Barante, un peu M. de Fontanes, Gérard le peintre, plus tard M.  Vil-