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vation de moraliste, son jugement sain et ses goûts délicatement sérieux, pour dire par exemple :

« C’est de trente à quarante ans que les femmes sont ordinairement le plus portées à la coquetterie. Plus jeunes, elles plaisent sans effort, et par leur ignorance même. Mais, quand leur printemps a disparu, c’est alors qu’elles commencent à employer de l’adresse pour conserver des hommages auxquels il serait pénible de renoncer. Quelquefois elles essaient de se parer encore des apparences de cette innocence qui leur a valu tant de succès. Elles ont tort ; chaque âge a ses avantages, et aussi ses devoirs. Une femme de trente ans a vu le monde, elle sait le mal, même en n’ayant fait que le bien. À cet âge, elle est ordinairement mère ; depuis long-temps l’expérience est devenue sa véritable sauvegarde. Alors elle doit être calme, réservée, je dirai même un peu froide. Ce n’est plus l’abandon et la grace de la confiance qui doivent l’entourer, mais la dignité majestueuse que lui donnent les titres d’épouse et de mère. À cette époque, il faut avoir le courage de dénouer la ceinture de Vénus. Voyez les charmes dont le poète l’a composée[1] : sont-ce là les ornemens de la vertu et de la maternité ?

« Mais qu’on a besoin de force pour quitter la première un semblable ornement ! Avec un peu de soins, il sied encore si bien ! Cependant, encore quelques années, la ceinture tombera d’elle-même, se refusant à parer des charmes flétris. Alors on rougira en la regardant ; on dira tristement comme cette courtisane grecque qui consacrait son miroir à la Beauté éternelle : Je le donne à Vénus, puisqu’elle est toujours belle….

« N’est-il pas plus sage de se prémunir d’avance contre l’amertume d’un pareil moment, et de chercher des consolations contre l’inévitable mécompte dans le courage avec lequel on l’aura prévu ? Les sacrifices dictés par la raison ont cet avantage, que l’effort qu’ils ont coûté en devient toujours la récompense. Ô mères ! Entourez-vous de bonne heure de vos enfans. Dès qu’ils sont au monde, osez vous dire que votre jeunesse va passer dans la leur ; ô mères ! soyez mères, et vous serez sages et heureuses ! »

Elle écrivait ces choses avec un sentiment profond, elle les disait

  1. « Là sont enfermés tous les charmes, là l’amour, le désir, le murmure des amans, l’insinuant propos qui dérobe leur cœur même aux plus sages. » (Homère, Iliade, XIV.)