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réunion commerciale de la France et de la Belgique est tout autant une question de contributions indirectes qu’une question de douanes. Tout ce qui se rattache au monopole du tabac en France et à l’accise sur les vins en Belgique, devait donc trouver place dans cette publication. Les moyens conseillés par l’auteur pour établir le nouveau régime de l’association et assurer la perception des revenus communs, ainsi que l’exécution de la législation nouvelle, méritent d’être sérieusement étudiés.

Un appendice, dont les matériaux ont été puisés dans la grande enquête faite en 1840, par ordre de la chambre des représentans, contient, sur la plupart des industries de la Belgique, les données les plus neuves et les plus intéressantes. M. de La Nourais, en ajoutant sur chacune d’elles le résultat de ses propres observations, permet ainsi au lecteur de se faire l’idée la plus exacte de la situation industrielle des deux pays. Cet ouvrage, écrit en grande partie sur les lieux, et avec l’aide de documens officiels, se recommande par sa méthode, sa netteté, autant que par l’examen consciencieux des faits ; il sera lu, nous n’en doutons pas, avec intérêt par tous les hommes que touche l’avenir d’une question dont la solution devient chaque jour plus imminente, et dont il n’est plus permis aujourd’hui de méconnaître la portée.


M. Saint-Marc Girardin, après une longue et grave maladie, vient de reprendre son cours à la Sorbonne. Il a choisi pour sujet les passions humaines, et c’est, de toutes les questions qui intéressent l’art, la plus attrayante et la plus féconde. M. Saint-Marc Girardin raconte l’histoire littéraire de nos sentimens ; il nous montre la même passion exprimée par des arts différens et à des époques diverses ; il fait la psychologie de l’art, et cela vaut mieux que d’en faire la métaphysique. Chez les anciens, la passion est plus mesurée, plus contenue, plus noble ; elle est toujours idéale et conserve, dans ses écarts, une pompe et une majesté qui sont le cachet de l’art antique. Une sensibilité plus émoussée, une imagination moins haute et moins vive, une intelligence plus complète du monde et de la vie, nous conduisent à remplacer la dignité des passions par leur excès, à pousser la terreur jusqu’à l’épouvante, et la pitié jusqu’au dégoût. Les héroïnes du drame moderne paraissent sur la scène la poitrine sanglante, et se tordent sur le cadavre de leurs enfans dans une longue et atroce agonie ; les Grecs n’exagèrent pas à ce point l’émotion tragique. Au moment où le développement d’une passion devient horrible, ils recourent à la métamorphose : Niobé se change en fontaine, et conserve jusqu’au bout son idéale beauté. Il y a loin de cette noble et solennelle image aux douleurs de la Sachette pleurant la Esmeralda dans Notre-Dame de Paris. Cette longue agonie nous oppresse ; on est ému d’abord, et puis effrayé ; le spectacle de cette douleur ainsi étalée devient pour nous une douleur