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REVUE. — CHRONIQUE.

réelle des biens-fonds amènerait nécessairement l’exactitude des listes électorales, la suppression de la fraude des droits d’enregistrement, et l’amélioration du régime hypothécaire. Enfin, son résultat le plus précieux serait de conduire à la fixité de l’impôt foncier, et à l’égalité de sa répartition entre les différentes régions de la France. Ce vœu, que la France a inutilement exprimé sous tous les régimes, la réforme proposée par M. d’Audiffret peut le satisfaire. M. d’Audiffret présente à l’appui du système tous les moyens d’exécution ; il recommande au public un traité fait à ce sujet par un administrateur éclairé, M. Loreau. Ce traité entre dans les plus petits détails, prévoit toutes les difficultés, combat toutes les critiques. La question est donc examinée sérieusement par ceux qui la soulèvent. C’est au ministère des finances qu’il appartient maintenant de l’étudier et de donner son avis. Les lumières qu’il renferme sont la garantie d’un examen sérieux et approfondi.

L’unité d’action que M. d’Audiffret veut imprimer à l’impôt direct, en plaçant les contributions foncières dans la main de l’enregistrement, il la demande aussi pour les impôts indirects. On sait que ce service est partagé entre l’administration spéciale des douanes et celle des contributions indirectes proprement dites. M. d’Audiffret trouve entre les administrations chargées de ce double service des analogies étroites qui exigent leur fusion dans une seule main. Les motifs qui l’ont déterminé à provoquer cette réforme sont nombreux ; ils sont exposés avec une grande force de raisonnement.

Les droits de consommation, les droits de douanes, protecteurs du travail national, les droits d’importation, protecteurs de l’agriculture et de l’industrie, les droits d’exportation, ceux de transit et d’entrepôt, les taxes des ports, les redevances diverses, enfin tous les tarifs des impôts indirects sont examinés successivement par M. d’Audiffret. Le sentiment qui domine dans cette partie de son travail sur les revenus publics, est le regret de voir une disproportion immense entre les charges de la consommation ou de l’industrie, et celles qui grèvent la propriété foncière. M. d’Audiffret calcule que la propriété foncière supporte aujourd’hui plus de la moitié des charges publiques, par le paiement des impôts directs ; qu’en outre elle prend une part très large dans toutes les autres contributions, et qu’enfin, par l’effet des partages héréditaires, par les échanges et par les droits de toute espèce qui grèvent le patrimoine immobilier des familles, son capital retourne tout entier aux caisses du trésor en moins d’un siècle, c’est-à-dire dans l’espace de trois générations. M. d’Audiffret évalue à 450 millions la charge annuelle que les impôts directs font peser sur la propriété ; il estime que les officiers publics prélèvent tous les ans sur elle une somme de 100 millions, et qu’elle paie 500 millions d’intérêts et de frais hypothécaires. Il suivrait de là qu’un revenu territorial estimé un peu plus de 1 milliard et demi supporterait tous les ans une charge d’environ 1100 millions. Ainsi la propriété foncière conserverait à peine tous les ans le tiers de ses produits, et tout le reste lui serait enlevé ! Ces calculs démontrent les changemens profonds que la forme de notre société a subis