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REVUE. — CHRONIQUE.

brave ; ils n’en sont pas à ne pas prévoir les incidens qui pourraient en surgir, et les conséquences de ces incidens. C’est une responsabilité morale qu’ils ont prévue et franchement assumée. Le cas échéant, nous les verrons sans doute se lever les premiers pour soutenir, coûte que coûte, la dignité de la France, et pour aller hardiment, s’il le faut, jusqu’au bout. Ces hommes graves n’ont pas voulu abaisser leur pays, et ce serait l’abaisser que de s’avancer pour reculer, que de crier aujourd’hui pour se taire demain. Applaudissons donc à leur patriotique ardeur : elle est une preuve de leur énergie et de leur résolution.

En attendant, nous n’hésitons pas à croire que les amis du ministère n’ont qu’un conseil à lui donner : c’est de fermer le protocole en déclarant que, puisque les modifications proposées par la France n’ont pas été acceptées, elle reste définitivement étrangère au traité de 1841. Le cabinet est dans une fausse position d’où il lui importe de sortir au plus vite, non-seulement avant la convocation de la nouvelle chambre, mais aussi avant la réunion des colléges électoraux.

La chambre des députés, sur la proposition de M. Lacrosse, a accordé au ministère de la marine deux à trois millions qu’il ne voulait pas. Elle a trouvé que le ministère poussait trop loin l’amour du désarmement et de la paix. C’est encore un symptôme. Nous sommes convaincus que, s’il avait proposé une diminution de l’effectif de l’armée de terre, il n’aurait pas rencontré la même opposition ; car le pays veut la paix, il veut la paix avec tout le monde. D’imprudentes provocations pourraient seules le détourner de ses projets tout pacifiques. Il n’est pas moins vrai qu’il s’irrite aujourd’hui de tout ce qui a la moindre apparence d’une concession faite à l’Angleterre. Certes nul n’a demandé à la France de désarmer ; mais les bruits les plus absurdes prennent facilement, dans ce moment, toute la consistance d’une vérité. C’est encore un fruit du traité du 15 juillet.

Le budget de l’instruction publique a été l’occasion de plusieurs discussions importantes. On éprouve une sorte de soulagement lorsque les débats parlementaires, s’élevant jusqu’aux intérêts moraux et permanens du pays, nous font un instant oublier les irritations et les violences de la politique, ainsi que l’âpreté étroite et vulgaire des intérêts matériels.

La parole nette et élevée de M. Villemain a jeté une vive lumière sur toutes ces questions si diverses par leur nature et par leur importance. Avec la même précision, mais en proportionnant toujours son langage au sujet, il a touché aux plus liantes et délicates questions de notre droit public, et aux plus minces détails de son administration.

C’est dire que si les uns lui demandaient compte de je ne sais quelle réparation de bâtimens, de je ne sais quelle petite pension, d’autres agitaient les grandes questions de l’établissement universitaire et de la liberté de l’enseignement. Remercions M. Villemain d’avoir, le droit positif à la main, mis en pleine lumière les vrais principes de la matière, et cela avec l’assentiment général et manifeste de la chambre, qui veut sans doute réaliser, pour toutes