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condition, si elle n’infirmait pas les traités existans, rendait impossible une convention nouvelle.

Des conservateurs se sont réunis en grand nombre à l’opposition pour blâmer hautement le traité de 1841. L’opinion publique s’est soulevée, et la ratification du traité est devenue impossible.

Il y a plus ; la question s’est élargie de jour en jour. Si d’abord on ne s’élevait que contre les clauses du nouveau traité, et il en est dont on ne peut justifier ni le fond ni la forme, on n’a pas tardé à attaquer le droit de visite dans son principe. Ici encore l’opposition a été secondée par plus d’un conservateur. M. J. Lefebvre, l’auteur du célèbre amendement, n’hésitait pas à dire : « La chambre, en adoptant la rédaction que je propose, et qui s’applique à tous les cas, la chambre indique au gouvernement le vœu qu’elle forme pour que ces traités cessent, le plus tôt possible, d’être mis à exécution. Remarquez, je vous prie, messieurs, que ma rédaction embrasse tous les cas, non-seulement la ratification du traité nouveau, que je désire voir refuser, mais encore l’exécution des traités anciens. Je désire qu’au premier abus, à la première vexation auxquels aura donné lieu l’exécution des traités (et vous savez, messieurs, s’il y en a des abus, et des vexations !), le gouvernement renonce à donner des autorisations. Sous ce rapport je soutiens que mon amendement est plus large qu’aucun des deux autres. »

On a vu ainsi les amis et les soutiens habituels du ministère, les adversaires les plus ardens de la gauche et du centre gauche, abandonner le cabinet sur une question capitale ; que dis-je, l’abandonner ? il faut dire l’attaquer et faire en sorte que la chambre des députés confirmât leur opinion par un vote.

Il est des esprits malheureux, de ces esprits qui n’ont ni trêve ni repos jusqu’à ce qu’ils aient trouvé aux actions les plus louables une cause illégitime. À les entendre, la véhémence des conservateurs contre le droit de visite n’est qu’une manière de harangue électorale. Si cette calomnie était une vérité, elle révélerait encore un fait digne d’attention : c’est que les candidats sont convaincus de la répugnance du pays pour le traité de 1841, et, en général, pour le droit de visite.

Cette répugnance a dû devenir plus vive, plus ardente, sous les inspirations presque unanimes de la presse et de la tribune, en particulier sous l’influence des patriotiques élans des députés conservateurs.

Nous sommes convaincus que les conservateurs n’ont obéi qu’aux sentimens les plus élevés et les plus honorables. En repoussant le droit de visite, c’est uniquement à la France qu’ils pensaient, à notre commerce et à l’honneur de notre pavillon. Toujours est-il que leur parole a retenti dans tous nos ports, sur tous nos vaisseaux, dans tous les parages. C’est bien, nous aimons à croire que c’est bien, que c’est là ce qu’ils voulaient. Ces hommes graves, expérimentés, et, comme on dit, pratiques, n’ignoraient pas sans doute quelle pouvait être l’influence de leurs attaques, des débats qu’ils provoquaient, des votes qu’ils proposaient, sur l’esprit d’une population fière et