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au Mont-Saint-Michel, pour lui apprendre à calomnier les poésies des reines et princesses du sang royal. »

D’un autre côté, celui à qui la plupart des Lettres publiées par M. Génin sont adressées, celui que Marguerite appelle son fils, celui à qui elle prodigue les témoignages d’intérêt et d’affection, Anne de Montmorency, discourant avec François Ier sur les progrès de l’hérésie, « ne fit difficulté ny scrupule de luy dire que, s’il voulait bien exterminer les hérétiques de son royaulme, il fallait commencer à sa cour et à ses plus proches, lui nommant la royne sa sœur. À quoy le roy répondit : Ne parlons pas de celle-là, elle m’ayme trop, elle ne croira jamais que ce que je croiray et ne prendra jamais de religion qui préjudicie à mon estat. » François Ier avait raison de compter sur l’affection de sa sœur ; les preuves s’en montrent en plusieurs parties de cette correspondance ; le dévouement de Marguerite pour son frère était sans bornes, et celui-ci en abusa plus d’une fois.

« Je ne vous diray point la joye que j’ay d’approcher le lieu que j’ay tant désiré ; mais croyés que jamais je ne congneus que c’est dung frère que maintenant, et n’eusse jamais pensé l’aimer tant. » Ces lignes pleines de tendresse, Marguerite les adressait à Montmorency en allant à Madrid négocier en faveur de François Ier, fait prisonnier à Pavie. Elle n’obtint que des paroles, comme on peut le voir par la lettre suivante, qu’elle écrit à son frère ; cependant, en intéressant la reine Éléonore et en la disposant à se marier avec François Ier, elle eut de l’influence sur l’issue des négociations.

De Tolède, octobre 1525.
« Monseigneur,

« Plus toust ne vous ai-je voulu escripre, attendant quelque commencement en vostre affaire, car, pour hier que je feus devers l’empereur, je le trouvay bien froit. Me retira à part sa chambre avecques une femme, mais ses proupous ne feurent pour faire si grande cérémonie, car il me remit à parler à son conseil, et que aujourd’huy me respondroit. Et me mena voir la royne sa sœur[1], où je demeurai jusques bien tard ; annuyst suis allée devers elle, et elle m’a tenu fort bons proupous. Bien est vray qu’elle s’en va demain à son voyage,

  1. Éléonore, veuve du roi de Portugal, et depuis mariée à François Ier.