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LETTRES DE CHINE.

troupes, qu’elle expose ses flottes aux dangers d’une mer si féconde en naufrages, qu’elle compromet même son commerce avec la Chine, source pour elle de tant de bénéfices ; c’est à la question d’actualité qu’elle sacrifie en quelque sorte les exigences de son honneur national, compromis souvent et par le principe et par la conduite de la guerre qu’elle fait à l’empire céleste. C’est dans l’intérêt de l’avenir qu’elle s’épuise et qu’elle combat, c’est dans l’intérêt du présent qu’elle s’arrête momentanément au milieu de ses sanglant triomphes. Pourra-t-elle toujours concilier ces deux intérêts si opposés ? ne faudra-t-il pas tôt ou tard qu’elle sacrifie l’un à l’autre ? Le reste du monde restera-t-il toujours spectateur impassible de cette lutte, dans laquelle se débattent de si grandes destinées ? Déjà nos prévisions de l’année dernière ont commencé à se réaliser ; l’Inde n’est plus tranquille, et, d’un moment à l’autre, l’Angleterre peut se voir obligée de concentrer toute son énergie pour conserver cette plus belle moitié de son empire. L’avenir nous donnera le mot de toutes ces questions ; quant à moi, même après ces trois années de luttes, je n’ose vous donner mon opinion sur le développement futur de la crise anglo-chinoise ; la marche des affaires n’a pas soulevé pour moi le voile qui enveloppe encore le dénouement de cet immense débat.

Dans une prochaine lettre, je vous rendrai compte des évènemens qui ont signalé la fin de l’année 1841.


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Macao, 1er décembre 1841.