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LETTRES DE CHINE.

qui apparaisse dans l’avis du capitaine Elliot, était que le commerce serait assujetti à Hong-kong aux mêmes droits qu’il payait à Whampoa. Hong-kong se trouvait donc assimilé à l’établissement portugais de Macao, avec cette différence que le commerce de Macao jouit, dans l’intérieur de la rivière de Canton, de l’exemption de certains droits que le capitaine Elliot ne réclamait pas pour l’établissement anglais. Ainsi conçu, et en supposant que la discussion des détails n’y eût apporté aucun changement, la convention me semblerait cependant plus favorable encore aux Chinois qu’à l’Angleterre, puisqu’elle avait pour les premiers l’avantage de tenir le commerce anglais en dehors du Boca-Tigris, et par conséquent d’éloigner le danger résultant du contact immédiat des barbares avec la population intérieure de la province de Canton. Nous verrons tout à l’heure que le gouvernement chinois n’était nullement dans l’intention de terminer le différend avec l’Angleterre, même à des termes aussi avantageux, qui attirèrent sur M. Elliot les invectives de ses concitoyens, et, ce qui dut lui être bien plus sensible encore, la désapprobation de son gouvernement. M. Elliot commit d’ailleurs une faute très grave en acceptant la parole, voire même la signature de Keschen ; la convention stipulait des concessions de part et d’autre, et, à mon avis, avant d’expédier, comme il le fit, un navire à Chusan, pour que l’armée anglaise évacuât cette place ; avant d’envoyer dans l’Inde et en Angleterre l’assurance qu’en vertu du traité qu’il venait de conclure, le commerce allait reprendre son cours dans la rivière de Canton, M. Elliot aurait dû exiger de Keschen l’accomplissement des conditions auxquelles il s’était engagé. C’eût été à la fois un acte de prudence et de bonne politique. Tout le monde fut surpris de l’excessive confiance de M. Elliot, et je partageai l’étonnement général. Heureusement l’opinion de la communauté étrangère fut connue dans l’Inde et en Europe en même temps que les dispositions prises par le capitaine Elliot, et cette connaissance paralysa les mauvais effets qu’aurait pu produire l’avis du plénipotentiaire, dont le résultat devait être de remuer tout le commerce de ces contrées, qui attendait avec angoisse la solution de la crise qui le tenait éloigné de la Chine, et dont les espérances seraient venues se briser bientôt contre une triste réalité. J’excuse bien plus aisément l’évacuation anticipée de l’île de Chusan. Cette funeste conquête avait déjà coûté à l’Angleterre sept à huit cents hommes qui étaient venus y mourir de faim et de misère. D’ailleurs, du moment que les négociations avaient été portées dans le sud, Chusan perdait d’autant plus de son importance que l’occupation de cette île exigeait la présence d’une partie considérable des troupes de débarquement et des forces navales, dont le besoin pouvait, d’un moment à l’autre, se faire sentir dans la rivière de Canton.

Le gouvernement anglais eût sans doute approuvé le traité conclu par le capitaine Elliot, s’il eût été signé dans le premier mois de l’année 1840 ; mais déjà ses vues s’étaient agrandies, de nouvelles espérances avaient été conçues, la solution momentanée des grandes questions européennes laissait à l’Angleterre la liberté de porter toute son attention vers l’extrême Orient, et elle