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LETTRES DE CHINE.

dignité de son gouvernement et la neutralité qu’il avait proclamée, en alliant à une grande fermeté toute l’humanité que comportait sa position. Peu d’hommes eussent pu, aussi habilement que M. da Silveira Pinto, tenir les rênes du gouvernement dans ces temps de crise et de danger.

Après l’attaque de la barrière, l’inquiétude de la population fut grande. On craignait que Lin n’exerçât de funestes représailles contre la ville de Macao, qu’il pouvait croire complice de la défaite de ses troupes. On le sait, il n’avait qu’à prononcer un mot, et, en trois jours, toute cette population mourait de faim. Un grand nombre de familles chinoises quittèrent Macao pendant les journées qui suivirent l’attaque ; le second magistrat de la ville, le tso-tang, leur en avait donné l’exemple. Enfin, le 28 août, une proclamation de ce fonctionnaire engagea les Chinois à rentrer dans leurs foyers. Ce document témoignait de la haute estime du gouvernement chinois pour la population portugaise, ainsi que de la détermination prise par les officiers supérieurs de ne faire entrer dans la ville aucun soldat. Peu à peu l’ordre se rétablit, et cette fois du moins l’attaque de la barrière produisit un résultat réel, celui de tranquilliser la population.

Sur la côte, les affaires anglaises ne présentaient pas des résultats aussi avantageux. La corvette Alligator et un transport armé, s’étant approchés d’Amoy, furent repoussés par les Chinois, qui, dans l’espace d’une nuit, élevèrent des batteries qu’ils garnirent de plus de cent pièces de canon, dont quelques-unes de gros calibre. L’amiral Elliot, de son côté, se rendit à Ning-po, et, là, délivra aux autorités de cette place trente-huit jonques chargées de sucre et retenues comme prises avec leurs équipages. Un armistice fut conclu entre les deux parties belligérantes, l’une représentée par l’amiral Elliot, l’autre par les autorités de Ning-po. C’est encore là un des mystères de cette expédition. Comment et à quelles conditions cet armistice fut-il conclu, et que signifiait-il après la convention de Teent-sin ? Quel pouvoir avaient à cet effet les autorités de Ning-po ? Ces pouvoirs furent-ils vérifiés et reconnus valides ? Ce qu’on s’explique plus difficilement encore, c’est qu’après le prétendu triomphe obtenu dans les négociations de Teent-sin (les plénipotentiaires regardèrent l’issue de ces négociations comme un succès signalé, jusqu’à ce que l’expérience vînt les désabuser), lorsque l’empereur semblait disposé à écouter les plaintes des Anglais, l’amiral n’ait pas insisté sur la reddition des prisonniers tombés entre les mains des Chinois à Chusan, ou après le naufrage d’un transport sur la côte de Ning-po ; et s’il insista sans succès, pourquoi les jonques furent-elles rendues ?

Le 20 novembre, l’escadre du Pechili était de retour dans les eaux de la rivière de Canton ; le Melville et le Blenheim, deux vaisseaux de 74, qui avaient été laissés à Chusan, l’accompagnaient.

Nous allons avoir maintenant, monsieur, un précieux échantillon de la diplomatie chinoise. Je suis sûr que le récit des évènemens qui suivirent le retour des plénipotentiaires anglais ne sera pas sans intérêt pour vous. Il faut être sur les lieux, comme j’y étais, pour les bien juger. Il faut aussi con-