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séquence, si ce n’est en disant que ces jonques sortaient du port de Macao, que les Anglais exceptaient du blocus général de la rivière ? Mais alors pourquoi spécifier que les marchandises chargées à leur bord sont des marchandises anglaises ? Ces deux mots que j’ai soulignés ne semblent-ils pas une des raisons déterminantes de la concession ? Ce que je viens de dire corrobore les observations que j’ai déjà faites sur ce semblant de blocus ; certes, une pareille mesure pouvait singulièrement compromettre la responsabilité du gouvernement anglais vis-à-vis des neutres, et elle ne devait avoir aucune influence utile sur la solution de la question.

Il se passa à Macao, à la fin du mois d’août, un évènement qui pouvait avoir les conséquences les plus graves, mais dont l’effet fut heureusement paralysé par le résultat des négociations de Teent-sin. L’enlèvement de M. Stanton avait déjà été un sûr indice des dispositions hostiles des Chinois. En outre, plusieurs jonques de guerre avaient jeté l’ancre dans le port intérieur de Macao, et un nouveau fort avait été bâti en dehors de la barrière chinoise qui sépare le territoire de Macao du territoire chinois. Tous ces préparatifs annonçaient évidemment que les Chinois se disposaient à tenter un coup de main contre Macao, où plusieurs familles anglaises avaient de nouveau cherché un refuge. Le taou-tae, magistrat supérieur de Macao, était parti peu de temps après l’enlèvement de M. Stanton, dans le but apparent de demander au commissaire impérial la délivrance de cet étranger. Le 18 août, il était de retour ; mais, loin de donner des nouvelles satisfaisantes du prisonnier, il revint accompagné d’un millier de soldats qu’on fit stationner à la barrière, qui n’était ordinairement gardée que par quelques hommes. L’équipage des jonques de guerre pouvait faire monter ce nombre à environ deux mille hommes. Si on considère que Macao ne renferme que cinq à six mille descendans de Portugais et une garnison de deux à trois cents hommes, que la ville et les villages qui l’entourent contiennent plus de trente mille Chinois, que ceux-ci ne dissimulaient plus leur projet d’exterminer tous les Anglais résidant à Macao, et que les craintes que ces démonstrations devaient faire concevoir redoublèrent lorsqu’on vit les jonques de guerre quitter leur mouillage et se rapprocher de la barrière, on ne s’étonnera plus que les Anglais aient pris l’alarme.

Le 19 août, les deux corvettes l’Hyacinth et Larne prirent position à peu de distance du fort : un bataillon de soldats de marine fut débarqué, et, en quelques heures, le fort et les casernes étaient détruits ou brûlés, les équipages des jonques avaient déserté leurs navires, et, aux environs de la barrière, on ne voyait plus un seul soldat chinois, excepté une centaine de morts, sanglant témoignage de la défaite de ceux qui la gardaient. Il n’y eut que trois ou quatre blessés du côté de la marine britannique. Les journaux anglais s’accordèrent cette fois pour payer un juste tribut d’éloges à la conduite du gouverneur et des habitans de Macao pendant les quelques jours qui précédèrent cet évènement. Le chef de cette colonie était placé dans une situation très délicate ; mais il faut dire que, malgré la faiblesse des moyens dont il pouvait disposer, il sut faire respecter des deux parties belligérantes la