là. Le ministère anglais comprit qu’il avait plus d’un danger à courir, et dut entrevoir le jour où il serait obligé de se présenter au parlement pour lui demander d’ajouter encore aux taxes déjà si pesantes de la Grande-Bretagne, par suite de la cessation du commerce avec la Chine ; la marche rapide des évènemens rendait même ce danger prochain, et, en envoyant une expédition en Chine, le cabinet anglais dut ordonner à ses agens de ne tirer le premier coup de canon qu’à la dernière extrémité et après avoir essayé inutilement toutes les autres voies ; il dut surtout leur recommander de faire tous leurs efforts, de sacrifier même en quelque sorte la partie la plus métaphysique de la question, afin que les thés arrivassent en Angleterre chaque année et sans interruption. Je ne connais pas la teneur des instructions qui furent données à l’amiral et au capitaine Elliot ; mais, à en juger par la conduite de ces deux plénipotentiaires, il est naturel de penser qu’elles ne devaient guère s’éloigner de ce que je viens de dire. Voyons donc comment elles ont été exécutées par les agens de l’Angleterre en Chine.
Le blocus de la rivière de Canton me semble une première faute. Une seconde faute, plus grave encore que la première, est la prise de l’île de Chusan, située sur la côte de Chine par les 30 degrés et demi de latitude. Il est probable qu’avant de commencer les négociations, les plénipotentiaires voulurent donner à l’empereur un avant-goût de ce qu’ils pouvaient faire ; ils pensaient sans doute que les mandarins de la côte ne manqueraient pas, suivant leur habitude, de dissimuler la vérité, en parlant des forces et des ressources de l’expédition, mais que la prise d’une île aussi considérable que Chusan aurait trop de retentissement pour que les autorités subalternes osassent la cacher à leur souverain, et serait un argument sans réplique à l’appui de leurs réclamations. Je ne mets pas en doute que la prise de Chusan n’eut été un acte de bonne politique, si on eût été décidé à faire immédiatement, sans réserve, la guerre à la Chine ; mais, après s’être emparés de cette île, les agens anglais cherchèrent à nouer des négociations avec le cabinet de Pékin, et ils trouvèrent les esprits d’autant moins disposés à traiter de bonne foi, que le coup porté à l’orgueil national était plus fortement senti.
L’escadre, arrivée le 21 juin dans les eaux de la rivière de Canton, en repartit le 23 et le 25, faisant voile vers le nord, sous le commandement de sir Gordon Bremer. Une frégate, trois corvettes et un bateau à vapeur furent laissés derrière pour maintenir le blocus, qui devait commencer le 28. C’était une force à peine suffisante pour atteindre le but qu’on avouait ; mais je vous ai déjà dit, monsieur, qu’on n’y tenait que très médiocrement. Quant à l’empressement de sir Gordon Bremer, quelques personnes l’ont interprété, à tort, d’une manière peu favorable au caractère de cet officier. On a prétendu que, quoiqu’il fallût profiter de la mousson de sud-ouest pour remonter vers le nord de la Chine, la saison n’était pas si avancée qu’on ne pût, sans s’exposer à de grands inconvéniens, retarder de quelques jours le départ de la flotte ; qu’on avait devant soi trois grands mois encore, mais que cette même mousson de sud-ouest devait amener d’un jour à l’autre