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un jour donné un plus grand luxe d’équipages que les Champs-Élysées ou les courses de Chantilly, mais il n’y a nulle part sur notre sol une population aussi misérable que la population irlandaise, et les souffrances des classes ouvrières anglaises elles-mêmes n’ont point d’analogues parmi nous. Or, ce qui importe au commerce intérieur, c’est moins le degré de la consommation dans certaines classes que la masse des consommateurs, et, sous ce rapport de la masse, la France offre incontestablement plus de débouchés que l’Angleterre.

Que résulte-t-il de cette comparaison ? Nous ne voudrions pas trop affirmer dans des matières qui se prêtent si peu aux démonstrations positives, mais nous ne croyons pas être bien loin de la vérité en disant que la richesse totale des deux pays, considérée absolument, est à peu près égale. L’Angleterre est encore supérieure à la France sous le rapport de l’industrie et du commerce ; nous avons de notre côté l’avantage pour l’agriculture : on peut donc admettre qu’il y a compensation, et c’est encore donner à l’Angleterre une grande supériorité proportionnelle, puisque sa population est à peine égale aux trois quarts de la nôtre.

Revenons au budget, qui est ici le sujet principal de nos observations. S’il est vrai, comme nous venons de le dire, que le total de la richesse publique ne soit pas plus grand en Angleterre qu’en France, les 900 millions que les Anglais paieront de plus que nous en 1843 seront prélevés en plus sur une égale somme de revenus. Cette différence constitue donc plutôt une pauvreté qu’une richesse.

La France paie aujourd’hui, en contributions de toutes sortes, à peu près un cinquième de plus qu’elle ne payait il y a vingt ans. Cette augmentation n’est due qu’à la progression croissante de la prospérité publique, car il n’a été établi aucun impôt nouveau ; au contraire, la restauration a accordé plusieurs dégrèvemens sur la contribution foncière, et le gouvernement de juillet a supprimé une portion notable de l’exercice sur les boissons, l’impôt de la loterie, etc. Dans le même intervalle de temps, la population du royaume a été portée de trente millions d’ames à trente-cinq ; le commerce d’exportation, de 400 millions par an à 700 millions, accroissement de près du double ; la richesse intérieure a suivi un mouvement ascensionnel encore plus fort, mais qu’il est impossible de calculer d’une manière précise.

Venons-en maintenant à examiner la situation des deux budgets en eux-mêmes. Eh bien ! avec cette énorme différence de 900 millions, le budget anglais est beaucoup plus embarrassé que le nôtre.

Quand sir Robert Peel a présenté le budget ordinaire pour 1842-1843, il a annoncé un excédant probable des dépenses sur les recettes de 64 millions 225,000 fr. (2,569,000 liv. st. ).

En France aussi nous avons un déficit ; ce déficit a été évalué, par M. Humann, pour 1843, à 27 millions 447,000 fr. Il s’accroîtra sans doute par des crédits extraordinaires, mais il est certain, en même temps, que les recettes ont été évaluées au-dessous de ce qu’elles seront en réalité : d’où l’on peut conclure que le déficit effectif sera de 20 millions.