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ÉTUDES SUR LES TRAGIQUES GRECS.

nait sur la scène, ce qui la fit nommer συρτὸς ou σύρμα[1]. À Rome, on finit par adopter la syrma, même pour les rôles d’hommes ; Juvénal a dit :

Longum tu pone Thyestæ
Syrma vel Antigones

D’ailleurs, de même que dans les fêtes bachiques les hommes portaient un costume presque en tout semblable à celui des femmes, dans la tragédie, leur vêtement se distinguait aussi très peu de celui de l’autre sexe. Souvent dans les tragiques il est question, en parlant des héros, du péplos ou long manteau, qui, dans la vie ordinaire, n’était jamais porté que par les femmes.

Comme il y eut, depuis la création du matériel scénique jusqu’à la décadence du théâtre en Grèce, de certains types de décoration consacrés, et, suivant l’expression reçue, trois scènes, la scène tragique, la scène comique et la scène satyrique[2], qui chacune devait offrir un certain aspect général et remplir de certaines conditions auxquelles machinistes et décorateurs étaient tenus de se soumettre ; de même il y eut, pendant les beaux temps du théâtre grec, trois espèces absolument distinctes de costumes scéniques, le costume tragique, le costume comique et le costume satyrique, sans compter une quatrième sorte de costume entièrement différent des trois autres et qui se portait non sur la scène, mais sur l’orchestre, et qu’on appelait pour cette raison orchestrique. Je ne m’occuperai, pour le moment, que du costume tragique.

Le trait caractéristique de ce costume était le grandiose. La taille des héros de la tragédie devait être de quatre coudées[3], c’est-à-dire d’environ six pieds et demi, conformément à ce qu’on racontait d’Hercule et des guerriers de l’âge héroïque, qui tous, excepté Tydée, avaient reçu des dieux une taille surhumaine. De là résultait pour les acteurs l’obligation de se grandir par divers moyens artificiels. Le premier de ces moyens fut la chaussure. Horace, écho des traditions de l’antiquité, attribue à Eschyle l’invention du cothurne tragique[4]. Cependant M. Patin, parlant d’Aristarque de Tégée, auteur de tragédies et contemporain d’Euripide, ajoute que ce poète

  1. Poll., lib. IV, § 118, et lib. VII, § 67.
  2. Vitruv., lib. V, cap. 8.
  3. Aristoph., Ran., v. 1047. — Cf. Athen., lib. V, p. 198, A.
  4. Epist. ad Pison., v. 280.