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ture, d’école, pour qu’on puisse voir dans le poète qui nous occupe autre chose qu’une individualité pure et simple. D’ailleurs, avant la venue de Kerner, la poésie allemande n’avait-elle pas touché à son plus haut point ! Kerner, c’est un peu l’oiseau sur la branche, l’oiseau qui demeure fidèle au chant que Dieu a mis dans son gosier, et qui, s’il n’étend pas sa gamme, vocalise dans sa mesure et se garde au moins des fausses notes. Élève de la nature, véritable néophyte de Saïs, Kerner appartient à toute une catégorie de poètes allemands qu’on ne saurait ni classer ni définir. Comme les ames pathétiques en qui le sentiment déborde et qui jamais n’atteignent l’idéal qu’elles cherchent, il a besoin que les sympathies du lecteur lui viennent en aide et le complètent. Aux amateurs de l’art curieux, aux partisans absolus de la forme, je ne le conseillerais pas. Il y a dans cette poésie une autre poésie latente et, si l’on me passe l’expression, interlinéaire, que les initiés seuls peuvent saisir ; j’entends par initiés tous ceux pour qui les mots d’ame et de nature ont encore un sens, aujourd’hui.


Henri Blaze.