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DU CALVINISME.

était obéissante et régénérée. Réformer le christianisme et lui donner le gouvernement des sociétés, telle fut la pensée constante de Calvin. Il travaillait chaque jour à cette œuvre avec une énergie que rien ne pouvait distraire ni abattre. Ayant reconnu dès le commencement le doigt de Dieu dans sa vie, il marcha sans fléchir ; sa foi était le principe de sa volonté, et cette volonté le soutenait contre les défaillances de la nature physique. On eût dit une flamme brillant dans un vase toujours prêt à se rompre. Ses défauts même concouraient à l’unité et à la puissance de son caractère. Son orgueil le rendait insensible à l’injure et à la calomnie : il avait en outre un merveilleux mépris pour tout ce qui lui résistait, et on n’arrivait à son estime que par une absolue soumission.

Sans avoir l’originalité de l’homme même, l’écrivain chez le réformateur est remarquable. Il ne faut pas demander à la prose française de Calvin l’imagination que Rabelais et Montaigne portent dans la richesse de leurs développemens et dans le choix de leurs mots. Calvin n’a point à s’abandonner à de capricieuses allures ; il tend à un but précis et sévère ; il enseigne, il réfute, il démontre. La clarté et la chaleur dans la démonstration forment surtout le caractère de son style, qui produit une impression profonde par la grandeur de l’ensemble. Dans les morceaux exclusivement polémiques, la véhémence de Calvin descend jusqu’au cynisme, et les effets sont parfois vulgaires ; mais l’Institution chrétienne et les Commentaires nous offrent un écrivain grave et lumineux qui s’empare vivement de l’esprit du lecteur et le mène avec autorité jusqu’au bout de ses déductions.

Le bibliophile qui nous a annoncé les Œuvres françaises de Calvin n’a pas rempli sa promesse. Sans doute, les opuscules qu’il a réunis sous ce titre ont leur valeur historique et littéraire ; toutefois, ils ne suffisent pas pour faire connaître et caractériser Calvin comme écrivain français. Parmi ces opuscules, nous trouvons quatre sermons dont la lecture est utile pour initier aux mœurs religieuses de l’époque ; mais en eux-mêmes ils sont un bien faible reflet de la pensée du grand théologien. Le bibliophile aurait dû avoir en mémoire ce jugement de Joseph Scaliger qui disait : « J’aime bien mieux les Commentaires de Calvin que ses sermons. » Ni le petit traité contre l’astrologie judiciaire, ni l’avertissement au sujet des reliques, ni les deux invectives contre un franciscain et un cordelier, ne peuvent être présentés comme les titres littéraires de Calvin pour figurer parmi nos prosateurs. Le bibliophile dit qu’il espère pouvoir publier