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DU CALVINISME.

ciel. Cependant Calvin admettait la présence du Christ dans l’eucharistie. Bossuet a fait une vive et presque plaisante peinture des embarras de Calvin sur un mystère aussi délicat. Calvin, en effet, admettait une présence réelle qui n’était pas réelle ; il voulait le miracle, mais il n’osait pas aller jusqu’au bout.

Les autres sacremens reconnus par l’église catholique ne sont, aux yeux de Calvin, que des cérémonies d’institution humaine, et il les condamne, terminant en ces termes son examen des sacremens[1] : « Il faut enfin sortir de ce bourbier, où je me suis arrêté plus longtemps que je ne l’eusse voulu ; toutefois ma patience n’aura pas été sans résultat, puisque j’aurai ôté, en partie du moins, à ces ânes la peau de lion dont ils osaient s’affubler. »

Quelques considérations sur le gouvernement civil servent de conclusion à l’Institution chrétienne. Calvin démontre que l’administration politique n’est pas contraire à la liberté chrétienne, comme le prêchent follement les anabaptistes. La vocation du magistrat politique est légitime, et elle est approuvée de Dieu. On compte d’ordinaire trois espèces de gouvernemens, la monarchie, l’aristocratie et la démocratie. Les préférences de Calvin sont pour le gouvernement aristocratique, où plusieurs, s’entr’aidant les uns les autres, peuvent ainsi s’avertir et se réprimer. Le premier devoir du magistrat politique est de défendre et de conserver la religion, le second d’assurer le règne de la justice. Calvin insiste sur la modération sans faiblesse qui doit animer tout gouvernement, et sur le devoir que Dieu fait aux hommes de rester soumis même aux mauvais princes. La tyrannie doit être soufferte avec patience, car elle est un effet de la vengeance de Dieu. Il est toutefois une exception à cette obéissance : si les puissances du monde nous ordonnent quelque chose contre Dieu, il ne faut pas leur obéir, car Jésus-Christ ne nous a pas rachetés pour que nous fussions les esclaves des mauvaises passions, et encore moins de l’impiété des hommes.

Qu’on se figure un réformé du XVIe siècle lisant pour la première fois l’Institution chrétienne. Quel enthousiasme ! quelle joie ! Son ame a trouvé sa nourriture. Ce livre lui donne tout, les leçons de la raison comme les principes de la grace ; à côté d’un Dieu terrible, il lui montre un Dieu miséricordieux ; la doctrine nouvelle l’abat, puis le relève ; la justification du Christ le rachète de son indignité native.

  1. « Et ex eorum cœno aliquando emergendum est, in quo jam diutius hæsit oratio quam animus ferebat. Aliquantulum tamen mihi profecisse videor, quod leonis pellem istis asinis quadam ex parte detraxi. » (Inst., lib. IV, cap. XIX, § 37)