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DU CALVINISME.

gratuite par laquelle Dieu, nous recevant en sa grace, nous tient pour justes ; c’est la justice de Jésus-Christ qui est imputée à l’homme, et que Dieu accepte pour le compte de l’homme. Mais pour les œuvres humaines, elles ne sauraient jamais satisfaire à la justice de Dieu, et voilà pourquoi l’homme, tout en étant obligé à faire de bonnes œuvres, ne doit jamais leur attribuer une vertu qui n’appartient qu’à la rédemption de Jésus-Christ.

Nous arrivons à une question formidable. Pourquoi cette justification si puissante et si infinie dans ses effets n’est-elle pas donnée à tous les hommes ? Pourquoi ? Parce que Dieu procède par élection. Que l’homme considère ceci : il ne sera jamais convaincu qu’il ne peut devoir son salut qu’à la gratuite miséricorde de Dieu que lorsqu’il comprendra l’élection que Dieu fait constamment sur la terre. Dieu a choisi la race d’Abraham, et dans cette race même il en a rejeté quelques-uns. Il a rejeté Ismaël, Ésaü ; il a rejeté ensuite presque les dix tribus d’Israël. La vocation générale du peuple d’Israël n’a pas été toujours efficace, parce que Dieu ne donne pas à tous ceux auxquels il offre son Évangile l’esprit de régénération, qui seul fait persévérer dans son alliance. Cette vocation extérieure sans la présence intime du Saint-Esprit est comme une grace moyenne entre la réprobation du genre humain et l’élection des fidèles qui sont vraiment visités par l’Esprit saint. Dieu prononce individuellement sur chaque homme. Il a arrêté dans son conseil quels hommes il voulait choisir pour le salut, et quels hommes il destinait à la perdition. Dieu ne crée pas les hommes pour les mettre tous dans une condition égale, mais il voue les uns à la vie éternelle, et les autres à la damnation. Ce décret de Dieu est la prédestination.

Le fondement de la prédestination divine n’est pas dans les œuvres ; car Dieu, comme l’a enseigné saint Paul, endurcit ou fait miséricorde selon son bon plaisir. Dieu a voulu qu’il y eût des élus et des réprouvés, pour exercer à la fois sa justice et sa miséricorde ; ceux qu’il choisit attestent sa gratuite bonté, ceux qu’il condamne son infaillible justice. Nul ne périt qu’il ne l’ait mérité, et c’est par la pure clémence de Dieu que quelques-uns échappent à la damnation. Après avoir établi ces impitoyables maximes, Calvin s’attache à réfuter quelques-unes des innombrables objections qu’elles ont soulevées ; mais il ne tarde pas à perdre patience, et il conclut brusquement ainsi : « Au reste, après que l’on aura bien disputé et allégué bien des raisons de part et d’autre, il faut enfin revenir à la conclusion de saint Paul, et demeurer comme lui dans la terreur et le silence à