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si absolue, qu’elle opère tantôt par des moyens, tantôt sans moyens, parfois même contre toutes sortes de moyens. Le janséniste Quesnel a reproduit cette pensée, quand il dit : Les obstacles des hommes sont les moyens de Dieu.

Dieu porte, dans le gouvernement du monde, une préoccupation manifeste, il veille sur les hommes qui se montrent ses serviteurs fidèles, et il confond leurs ennemis. Il gouverne et conduit toutes les créatures pour le salut des siens, sans en excepter le diable même, puisque nous voyons Satan, dans le livre de Job, n’oser rien entreprendre contre ce saint homme sans la permission de Dieu. Calvin insiste sur cette sollicitude divine « N’est-ce pas, demande-t-il, une douce et grande consolation de savoir que Dieu nous a mis sous sa protection, et que rien ne peut nous nuire sans qu’il le permette et le veuille ? » Il semble qu’au moment d’aborder le dogme terrible de la prédestination, Calvin sente le besoin de fortifier un peu son lecteur par de bonnes et affectueuses paroles ; car ce Dieu, qui veille sur ses élus, est le même qui opère dans le cœur des méchans tout ce qu’il veut. Dieu exécute, par le ministère des méchans, ce qu’il a arrêté dans le secret de ses conseils, et cependant les méchans sont coupables parce que les motifs qui les font agir sont mauvais. Il se trouve qu’ils ont voulu agir contre la volonté de Dieu, et que néanmoins c’est par eux que Dieu fait sa volonté. Calvin convient de la dureté de cette doctrine, mais elle est celle de l’Écriture. Or, si nous ne devons pas aller au-delà de ce qui est écrit, nous devons accepter la parole divine sans réserve et avec docilité.

Avançons et nous verrons la raison humaine essuyer de plus rudes assauts. L’homme ne peut se connaître lui-même qu’en se dépouillant de tout orgueil, en considérant la chute d’Adam, en se réfugiant dans la miséricorde divine. Adam ne tint pas compte de la parole de Dieu, il tomba dans l’incrédulité, et cette incrédulité fut le principe de sa révolte, car elle enfanta chez Adam l’orgueil et l’ingratitude. Si la révolte, par laquelle l’homme se dérobe à l’autorité, à la juridiction de son créateur, est un crime énorme, quelle excuse trouver au péché d’Adam ? Il a anéanti, autant qu’il était en lui, toute la gloire de son créateur. Il ne faut donc pas s’étonner que par sa désobéissance il ait perdu toute sa race, puisque par elle il a renversé l’ordre de la nature. La vie spirituelle d’Adam consistait à être uni avec Dieu, sa mort spirituelle consiste à en être séparé. Or, saint Paul a dit : Nous sommes morts en Adam, c’est-à-dire qu’Adam ne s’est pas perdu seul, mais qu’il a entraîné la race humaine dans sa