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tard, devait susciter contre la réforme, et qu’il voulait, par l’Institution chrétienne, prévenir la guerre des Variations.

Cette puissante idée fut conçue d’un seul jet ; l’exécution fut vigoureuse : les bases de ce grand livre, comme Calvin l’appelle lui-même quelque part, furent posées avec une profondeur énergique ; mais l’autour se réserva d’en retoucher, d’en étendre et d’en orner les proportions durant tout le cours de sa vie. « J’ai tâché d’en faire mon devoir, a écrit Calvin ; non-seulement quand ledit livre a été écrit pour la seconde fois, mais toutes fois et quantes qu’on l’a réimprimé, il a été aucunement augmenté et enrichi. » C’est ainsi qu’on arrive à des œuvres durables, par l’esprit qui sur-le-champ saisit tout, et par la volonté qui achève.

C’était beaucoup pour la réforme que d’affirmer un ensemble de doctrines. Calvin, par une hardiesse imprévue, rendit le coup plus sensible. Les réformés français vivaient sous des lois impitoyables, et le pouvoir de François Ier était pour eux une tyrannie sans miséricorde. Calvin osa s’adresser au roi de France, et lui présenter son livre comme la confession de foi des chrétiens que celui-ci persécutait. Dès-lors l’Institution chrétienne n’est plus seulement une œuvre de théologie, elle est un manifeste politique. Calvin, au nom de tous ses frères, écrit au roi de France ; on croirait assister à une scène des premiers temps du christianisme, où les apologistes de la foi nouvelle s’adressaient aux magistrats, aux empereurs. Les témoignages des contemporains abondent pour nous dire l’impression profonde que fit la Préface de Calvin. Un homme sans nom, sans titre, écrivant au roi de France pour l’éclairer et lui apprendre les vérités de la religion ! l’entreprise était nouvelle. Lorsque dans le XVIIIe siècle l’auteur du Contrat social intitulera un de ses écrits : J. J. Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, cette boutade n’aura ni l’originalité ni les périls de la liberté prise par Calvin.

Que mande Calvin à François Ier ? Il commence par lui dire que, dans le principe, il ne songeait à rien moins qu’à écrire des choses qui dussent être présentées au roi de France, mais que, voyant à quel point de fureur la persécution était venue dans son royaume, il lui avait semblé nécessaire de faire connaître au roi lui-même la doctrine contre laquelle on se déchaîne avec tant de rage. Calvin proteste qu’il ne se propose point de faire son apologie en particulier pour obtenir son retour en France ; car, dans l’état où en sont main-