Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/471

Cette page a été validée par deux contributeurs.
465
PUITS ARTÉSIENS.

ou la société Degousée, pour creuser un puits semblable à celui de Grenelle. Si la masse de sables n’avait pas été successivement enlevée, les bâtimens voisins de l’abattoir eussent disparu bientôt sous la montagne qui se serait formée tout autour de ce cratère boueux.

Des dangers d’une autre nature sont nés de cette absence de tubage dans la région inférieure du puits. Hâtons-nous de dire que nous ne voulons pas faire allusion à ces craintes populaires que M. le secrétaire de l’Académie des sciences s’est amusé à combattre en séance publique, et qui assignent pour terme à l’accroissement progressif de la caverne qui se creuse incessamment sous le puits de Grenelle l’affaissement d’une partie du sol de Paris. Les dangers que nous apercevons ne sont que trop réels, et l’un d’eux s’est réalisé tout dernièrement.

On sait qu’outre le tube en tôle qui sert à retenir les parois du puits, on a inséré, suivant l’usage, un autre tube intérieur plus durable, plus étanche, d’un diamètre partout le même, à surface bien lisse, et qui ne laisse aucun passage à l’eau. Or, comme chacun le sait aussi, les ouvriers occupés à cette introduction du tube intérieur se sont aperçus un beau matin que la partie déjà insérée s’était déformée pendant la nuit, et que le jet de l’eau avait diminué. On a reconnu, à l’aide de la sonde, qu’il y avait aplatissement du tube interne ; on a arraché ce tube par morceaux, et, inspection faite de ces fragmens, il est devenu fort probable que ce nouvel accident provenait de l’absence du tubage dans la partie inférieure du puits. M. Arago a voulu expliquer cet aplatissement par la chute d’un amas de sables qui, amené par les eaux, s’était interposé dans l’espace qui séparait le tube en cuivre du tube extérieur en tôle, mais on lui a fait remarquer que ce choc aurait dû projeter en même temps l’eau contenue dans le tube à une grande hauteur, et qu’un tel effort était hors de proportion avec la cause.

Un savant que l’on cite pour ses belles recherches sur l’hydraulique, et qui soutient dignement l’honneur d’un nom illustré par tant d’ingénieurs, M. de Caligny, a expliqué le fait par un affaissement subit du fond sur lequel coulent les eaux qui alimentent le puits de Grenelle, ou par un dégagement de gaz amassés aux environs de l’orifice inférieur de ce puits, et qui se seraient engagés dans ce tube. De l’une ou de l’autre de ces deux causes résulterait, on le comprend, un abaissement subit de la colonne d’eau ascendante. Le tube en cuivre ne serait donc plus pressé du dedans au dehors, et l’eau boueuse qui l’entoure devrait alors l’aplatir tout aussitôt. Cette