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sieurs usines dès sa sortie de terre, peut aussi fournir un argument du même genre.

L’immense nappe d’eau qui règne sous toute l’étendue de la ville de Modène, et qui fournit si abondamment à la multitude de fontaines jaillissantes de cette ville, ne peut être alimentée que par des sources proportionnellement aussi puissantes, et tout fait croire, ainsi que le dit Cassini, qu’elle descend des Apennins. Comme preuve remarquable de l’existence de ces grandes nappes d’eau souterraines, bien des auteurs ont cité le lac de Zirknitz en Illyrie. Le volume de la masse liquide est immense. La circonférence de ce lac est de sept à huit lieues dans les années humides ; huit, ruisseaux s’y déversent. À certaines époques irrégulières, et le plus souvent vers le milieu de l’été, toute cette masse d’eau disparaît rapidement, et au fond on découvre une quarantaine de trous ou de crevasses par lesquels a eu lieu l’absorption. Vers la fin de l’automne, les eaux surgissent subitement avec un bruit semblable à celui du tonnerre, et par les ouvertures qui les vomissent viennent avec elles des poissons et même parfois des oiseaux aquatiques presque aveugles et sans plumes. L’apparition subite de ces animaux prouve à elle seule que le lac de Zirknitz communique avec d’autres amas d’eau souterrains.

Je pourrais allonger encore cette liste, déjà trop étendue peut-être, de noms géographiques ; mais comme les personnes les moins faciles à convaincre objecteraient à chaque citation que ce ne sont là que des trajets souterrains d’une faible étendue, insuffisante pour expliquer certaines fontaines jaillissantes telles que le puits de Grenelle, je rappellerai les sources d’eau pure qui surgissent dans l’Océan à trente et quarante lieues des côtes. D’où peuvent venir ces jets si ce n’est de la terre ferme ? Notez bien qu’il ne s’agit pas ici de ces courans d’eau douce que l’on trouve aussi au milieu de l’Océan à de très grandes distances, et dont on peut dire qu’ils ont traversé la mer sans s’y mêler, grace à leur vitesse et au volume considérable de leurs eaux ; je parle d’eaux qui jaillissent réellement dans l’Océan même, et qui en atteignent ainsi la surface. Un tel jaillissement est facile à distinguer d’un courant d’eau douce, même pour l’observateur le moins attentif, pour le marin le moins exercé. Je rappellerai aussi que, pour permettre aux eaux de circuler dans l’intérieur du globe, il n’est pas nécessaire de supposer des canaux parfaitement libres. Ces conduits pourront être engorgés de sables au travers desquels filtreront les eaux ; enfin, au lieu de canaux