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ces deux merveilles de l’industrie européenne feraient sourire de pitié les paysans de la province d’Ou-Tong-Kiao, ou les sauniers de Tselicou-Tsing, qui entreprennent bravement, pour moins de trois mille écus, avec quelques méchans outils, des puits d’un quart de lieue, et les achèvent à deux en moins de trois ans. Si le terrain de Paris n’était pas plus rebelle à ce genre d’exploration que celui de la Chine, le conseil municipal eût fait évidemment une excellente affaire en traitant avec deux de ces pauvres ouvriers du céleste empire.

De si magnifiques résultats, si simplement obtenus, indiqueraient chez les Chinois un développement industriel très avancé, si ce peuple ne faisait preuve d’ignorance et de routine chaque fois qu’il rencontre un terrain dont la nature se montre quelque peu rebelle à l’unique mode de sondage qu’il sache pratiquer. L’Européen, dans un cas semblable, trouverait quelque combinaison nouvelle ; il modifierait ses outils, ses procédés ; le Chinois ne sait pas ou ne veut pas sortir d’embarras ; il trouve plus simple d’abandonner le puits commencé, fût-il à deux doigts du but. Les Annales de la propagation de la foi (no 16, janvier 1829) contiennent une lettre d’un missionnaire français, M. Imbert, où l’on trouve des détails, sinon complets, du moins fort curieux, sur le procédé chinois. J’extrais de cette lettre les passages relatifs à l’opération mécanique du forage. « Il y a quelques dizaines de mille puits salans dans un espace d’environ dix lieues de long sur quatre ou cinq lieues de large. Chaque particulier un peu riche se cherche un associé et creuse un ou plusieurs puits. C’est une dépense de 7 a 8,000 fr.… Tous les puits sont dans le rocher. Ces puits ont ordinairement de 15 à 1,800 pieds français de profondeur, et n’ont que 5 ou 6 pouces au plus de largeur. Si la surface est de terre de 3 ou 4 pieds de profondeur, on y plante un tube de bois creux surmonté d’une pierre de taille qui a un orifice de 5 ou 6 pouces ; ensuite on fait jouer dans ce tube un mouton ou tête d’acier de 3 ou 400 livres pesant. Cette tête d’acier est crénelée en couronne, un peu concave par-dessus et ronde par-dessous. Un homme danse toute la matinée sur une bascule qui soulève cet éperon à 2 pieds de haut, et le laisse tomber de son poids ; on jette de temps en temps quelques seaux d’eau dans le trou pour pétrir les matières du rocher et les réduire en bouillie. L’éperon, ou tête d’acier, est suspendu par une bonne corde de rotin, petite comme le doigt, mais forte comme nos cordes de boyau ; cette corde est fixée à la bascule ; on y attache un bois en triangle, et un autre homme est assis à côté de la corde. À mesure que la bascule