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siens. On s’est demandé ce qu’étaient ces puits, on en a voulu connaître l’histoire et la manière de les établir ; enfin, à propos du puits de Grenelle, on s’est demandé à quoi ils étaient destinés. On a élevé même des doutes sur la question de savoir si ces puits devaient servir à se procurer de l’eau ou de la boue ; la caricature s’en est mêlée, et dans ce moment les puits artésiens sont aussi peu du goût des Parisiens qu’ils étaient admirés et prônés il y a quelques mois. De telles vicissitudes dans l’opinion publique doivent être expliquées ; la question, qui s’est chargée de toutes sortes d’élémens étrangers, a besoin d’être ramenée à ses principes les plus simples, et c’est ce que nous tâcherons de faire dans cet article, où nous nous proposons d’exposer les principaux modes de forage qui ont été inventés jusqu’ici, et de montrer par quelle suite de travaux pénibles et d’artifices ingénieux on est parvenu à former cette espèce d’égout, que quelques personnes appellent encore naïvement la fontaine de Grenelle.

On sait généralement qu’il existe sur certains points de la France, et notamment dans notre ancienne province de l’Artois, un grand nombre de puits que leur très petite largeur, la manière dont on les a creusés et la hauteur à laquelle les eaux s’y élèvent, recommandent à l’attention des voyageurs. Dans la plupart de ces puits, le niveau des eaux atteint presque le sol ; dans quelques-uns même, il le dépasse, et donne naissance à une fontaine jaillissante. Des puits, des fontaines semblables, existent aussi, chacun le sait, dans presque toutes les contrées ; mais, nous Français, nous leur donnons le nom d’artésiens, parce que c’est dans l’Artois que nos pères en ont fait pour la première fois. D’ordinaire, ces puits ont tous un très petit diamètre ; on les creuse de deux manières, tantôt à l’aide d’outils emmanchés au bout d’une longue tige en bois ou en fer, agissant sur les terrains qu’ils traversent à la façon de la tarière du charpentier, tantôt avec un mouton que soulève une corde et qu’on laisse retomber dans le trou de sonde, comme s’il s’agissait de battre des pilotis.

Tout porte à croire que c’est la force elle-même des eaux ascendantes rencontrées par le sondeur à une certaine profondeur qui a fait adopter les puits artésiens. En effet, lorsque l’on creuse un puits ordinaire, à large diamètre, en y faisant descendre des ouvriers qui attaquent le fond à l’aide de la poudre ou des outils, on expose ces hommes à être noyés dès qu’ils atteignent le niveau des eaux jaillissantes. Pour lutter contre cet afflux dangereux, pour permettre aux ouvriers de bâtir les parois inférieures du puits, il faudrait épuiser constamment les eaux qui envahissent le trou, avec des appareils