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ports d’action et de dépendance réciproque que ces élémens divers soutiennent entre eux. De cette double tâche, il n’a accepté que la première. Dieu et la morale, la création et le mouvement, ne paraissent dans son livre que quand d’autres sujets les amènent. Il se contente de fournir la matière et les procédés de la science, il ne se charge pas de les mettre en œuvre. C’est moins une philosophie rationaliste qu’il nous donne qu’une philosophie de la philosophie rationaliste.

Il est impossible, et il serait inutile, de résumer la démonstration que donne M. de Rémusat de la spiritualité de l’ame, et sa discussion sur la nature physique et métaphysique de la matière. Rien ne peut donner une idée de cette méthode à la fois sage et pénétrante, où la profondeur se joint à la clarté, où la nouveauté des vues ne laisse jamais oublier l’homme de bon sens et l’esprit pratique ; rares éloges pour un philosophe, et que bien peu de métaphysiciens savent mériter à la fois. Sur un point seulement, d’une importance grave, je soumettrai à M. de Rémusat quelques objections.

Dans son Essai sur la matière, lorsqu’il en a énuméré les qualités d’après le vulgaire et d’après les physiciens, et qu’à l’exemple des écossais et de M. Royer-Collard il en a réduit la liste, il entreprend de pénétrer plus avant dans l’essence même des corps, et, après une discussion constamment ingénieuse et savante, sans se prononcer absolument, il incline pour le système de Leibnitz, c’est-à-dire qu’il identifie l’étendue et le mouvement, la matière et le mobile, la substance et la force ; qu’il réduit toutes les forces à l’attraction et à la répulsion, qui agissent sans cesse l’une sur l’autre, que l’inertie se trouve ainsi bannie de la nature des choses, comme le vide et le néant, et que le monde matériel est composé tout entier d’atomes ou forces simples. Puisque M. de Rémusat inclinait si fort à adopter les idées de Leibnitz sur ce point, pourquoi ne pas les accepter jusqu’au bout ? Pourquoi, après avoir réduit les corps à des forces simples, concevoir la notion d’espace comme on la prend dans sa relation avec les notions ordinaires d’étendue ? Pour Leibnitz et pour Kant, et pour quiconque réduit les corps à n’être plus que des forces simples, l’espace ne doit être qu’une pure forme de la sensibilité humaine. M. de Rémusat a même à se reprocher à ce sujet une légère inexactitude dans son Essai sur Kant, la seule peut-être que contienne cette excellente exposition : il croit que Kant a hésité sur la question de l’espace, qu’il a cherché des subterfuges et tourné la difficulté, tandis que Kant déclare au contraire en termes exprès que