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faire trouver. Voyez, au contraire, nos annélides. Que leur manque-t-il pour briller à côté des plus magnifiques habitans de la terre ou des airs ? Et pourtant elles fuient la lumière, elles se dérobent à nos yeux sans arrière-pensée, et le naturaliste seul connaît ces merveilles secrètes que recèlent les fentes des rochers, le sable et la vase des mers.

Vous riez de mon enthousiasme. Eh bien ! venez juger par vous-même. Tout est disposé. Notre microscope, solidement assujéti, porte des verres dont le grossissement est de trente diamètres. Notre lampe à fond tournant donne une lumière presque aussi blanche que celle d’un bec de gaz : une grande lentille, montée sur un pied mobile, reçoit ses rayons et les concentre au foyer de notre instrument. Sur la platine du microscope, nous venons de placer une petite cuve de verre remplie d’eau de mer, où se débat une néréide. Voyez comme elle s’indigne de cette captivité ! comme ses nombreux anneaux se contractent, s’allongent, se tordent en spirale, et à chaque mouvement nous renvoient des jets de lumière où toutes les nuances du prisme se mêlent aux reflets de l’or et de l’acier bruni ! Impossible de distinguer le moindre détail au milieu de cette agitation désordonnée. Mais elle se calme ; hâtez-vous. La voilà qui rampe sur le fond du vase en agitant ses mille pattes, formées de larges palettes d’où sortent des faisceaux de dards. Voyez ces admirables panaches qui se développent sur ses deux flancs ! Ce sont ses branchies, ses organes de respiration, que gonfle en les colorant un sang vermeil dont vous pouvez suivre la marche tout le long de ce grand vaisseau dorsal. Regardez cette tête qu’émaillent de si vives couleurs et que couronnent ces points oculaires d’un noir foncé. Voyez ces longues antennes, organes délicats du toucher ; au milieu et au dessous d’elles, voici la bouche, qui ne semble d’abord être qu’une ouverture assez irrégulièrement plissée. Mais épiez-la quelques instans. Tenez, la voilà qui s’ouvre et projette en avant une longue trompe rosée, garnie de fortes mâchoires, trompe dont le diamètre égale celui du corps qui la renferme, et qui rentre presque aussitôt dans son étui vivant. Eh bien ! n’est-ce pas merveilleux ? Est-il un animal qui puisse lui disputer le prix de la parure ? Et le corselet du plus riche coléoptère, les ailes diaprées du papillon, la gorge chatoyante du colibri, ne pâlissent-ils pas à côté de ces jeux de lumière courant par larges plaques sur ces anneaux, sur ces soies dorées, sur ces franges d’ambre et de corail ?

Examinons à leur tour ces deux cirrhatules qui, toutes deux, ap-