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pour ressusciter aussitôt qu’une ondée de pluie fait pénétrer jusqu’à lui le liquide nécessaire à son existence, et qui peut ainsi employer près d’une année à dépenser les dix-huit jours de vie que lui départit la nature. C’était l’hydatine couronnée, animal voisin du rotifère, dont la vie tout aquatique est bien souvent abrégée par la sécheresse, mais dont les œufs, mêlés à la poussière de nos grands chemins, enlevés avec elle par le vent, vont bien loin du lieu de leur origine se développer dans quelque goutte d’eau, et assurer ainsi la propagation de l’espèce ; l’hydatine, charmante petite bête, dont le corps, transparent comme le plus pur cristal, permet au magique instrument de Loevenhoeck de pénétrer jusque dans les moindres replis de son organisation. C’étaient ensuite ces brachions à la cuirasse hérissée, couvrant au moindre indice de danger leur longue queue et leur tête ciliée ; ces navicules, ces bacillaires, dont les infiniment petites carapaces siliceuses ont résisté aux révolutions du globe mieux que les gigantesques squelettes des vertébrés antédiluviens : corpuscules microscopiques dont la pointe d’une aiguille peut écraser des centaines, et qui n’en forment pas moins des roches entières, des couches géologiques considérables, exploitées depuis des siècles sous le nom de tripoli. C’étaient enfin ces planariées, ces myriades d’infusoires de toute forme et de tout nom, qui se multiplient en se partageant par le milieu, en sorte qu’on peut littéralement dire que le fils est la moitié du père et le petit-fils le quart de son aïeul.

On comprend tout ce que ces études ont d’attrayant comme affaire de simple curiosité ; mais un intérêt bien autrement grand s’y rattache. Chez les animaux supérieurs, la grosseur et l’opacité des organes s’opposent à ce qu’on puisse en étudier le jeu pendant qu’ils fonctionnent à l’état vivant. Quant à eux, nous en sommes toujours réduits à une anatomie plus ou moins avancée. Ici, au contraire, la nature se laisse en quelque sorte prendre continuellement sur le fait. Nous pouvons, par exemple, suivre la molécule alimentaire depuis l’instant où elle est avalée jusqu’à celui où l’animal la rejette après en avoir extrait ce qu’elle renferme de sucs nourriciers. Les changemens qu’elle éprouve dans ce trajet, l’action successive des organes, se passent en entier sous nos yeux, et ces organismes de verre semblent se révéler à nos regards comme pour inviter la science à soulever un coin du voile qui nous dérobe ce mystérieux je ne sais quoi désigné sous le nom de vie.

Au milieu de ces études si attachantes, le champ du travail s’ou-