Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
UN MOT SUR LA POLÉMIQUE RELIGIEUSE.

d’hui la science, si, dans la physique, elle n’eût osé, par l’astronomie de Galilée, contredire l’astronomie de Josué, et dans la philosophie, par le doute méthodique de Descartes, suspendre l’autorité de l’église ?

Cette liberté, qui d’abord a été le principe de la science, est devenue le principe de la société civile et politique, de telle sorte que l’état ne peut plus même professer officiellement dans ses chaires l’intolérance, ni le dogme : hors de l’Église point de salut ; car ce serait professer le contraire de son dogme politique, suivant lequel catholiques, luthériens, calvinistes, sont également appelés et élus sans distinction de croyance. D’où il suit que l’enseignement qui mentirait à la loi serait celui qui, au nom d’une église quelconque, voudrait condamner, anathématiser, proscrire moralement toutes les autres ; la doctrine schismatique serait aujourd’hui celle qui, au lieu de chercher dans chacune des croyances établies et reconnues la part de vérité et de grandeur qui y est renfermée, prétendrait les immoler à une seule. Voilà l’enseignement qui se mettrait véritablement en contradiction, non pas seulement avec l’esprit de ce siècle, mais avec la loi fondamentale de la France. En supposant qu’on lui abandonnât pour un moment le champ sans discussion, on voit assez que la lutte ne serait plus entre des opinions, mais entre la loi constitutive de ce pays, d’un côté, et les sectaires de l’autre. Malgré la clémence de l’opinion, nous conseillons à ces derniers de ne pas recommencer, en la harcelant, un jeu qui leur a déjà coûté cher. Ce ne serait pas toujours le combat de la mouche et du lion.


E. Quinet.