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UNE JOURNÉE À LONDRES.

marque que les joujoux anglais étaient bien autrement sérieux que les nôtres. Peu de tambours, peu de trompettes, disette de polichinelles et de soldats, mais force bateaux à vapeur, force vaisseaux à voiles, force chemins de fer avec leur locomotive et leurs vagons en miniature ; les verres des lanternes magiques, au lieu de représenter les infortunes burlesques de Jocrisse ou tout autre sujet analogue, offrent un cours d’astronomie, un système planétaire complet. Il y a aussi des jeux d’architecture avec lesquels on peut bâtir toute sorte d’édifices au moyen de pièces détachées, et mille autres amusemens géométriques et physiques qui réjouiraient fort peu les bambins de Paris. Puisque je suis à parler de boutiques, je vais te raconter ici, mon cher Fritz, une petite drôlerie industrielle que nos charlatans de Paris regretteront bien de ne pas avoir trouvée. — Il s’agit de makintosh, de water-proof imperméables. Pour démontrer victorieusement l’imperméabilité de ses étoffes, le marchand a eu l’idée triomphante de faire clouer sur un châssis le pan d’un water-proof de manière à former une espèce de creux ; dans ce creux il a versé à peu près la contenance d’une cuvette d’eau où ragent et frétillent une douzaine de poissons rouges. Faire un vivier d’un paletot et donner aux amateurs la facilité de pêcher à la ligne dans le pan de leur redingote, n’est-ce pas l’idéal de l’annonce, le sublime du charlatanisme ?

En marchant du côté de Charing-Cross, vous trouvez, au coin de la place Trafalgar, la façade de l’hôtel du duc de Northumberland, reconnaissable à un grand lion dont la queue relevée en l’air et toute droite produit un effet sculptural assez médiocre, quoique nouveau ; c’est le lion des Percy, et jamais lion héraldique n’a plus abusé du droit qu’il avait d’affecter des formes fabuleuses. — On vante beaucoup l’escalier de marbre qui conduit aux appartemens et la collection de tableaux, qui se compose, comme toutes les collections possibles, de Raphaël, de Titien, de Paul Véronèse, de Rubens, d’Albert Durer, de Van-Dyck, sans compter les vieux Franck, les Fatti, les Tempesta, les Salvator Rosa, etc. Je ne veux pas suspecter ici la galerie du duc de Northumberland que je n’ai pas vue, mais je crois qu’il n’y a pas beaucoup de certitude à fonder sur les tableaux anciens qui se trouvent en Angleterre. — Bien qu’ils aient été, pour la plupart, payés des sommes folles, ils n’en sont pas moins en général de simples copies. La quantité de Murillo que j’ai vu fabriquer à Séville pour le compte des Anglais, me met en garde sur leurs Raphaël : les Van-Dyck et les Holbein sont beaucoup plus authentiques, ce sont