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sert ; c’est comme un sanctuaire privé de sa divinité. L’Olympia, de M. Etex, ne saurait remplacer, sous aucun rapport, une bacchante ou une odalisque. Qu’est-ce qu’Olympia ? C’est une héroïne de l’Arioste, une répétition de Didon, d’Ariane, de Calypso ; abandonnée par son amant Birene, elle se désole et s’écrie :

O perfido Bireno !
Chi mi dà ajuto ! oimè ! chi mi consola ?

Chacun entend cet italien. La figure de M. Etex exprime-t-elle tout cela ? Nullement. Ceci n’est pas un blâme pour l’artiste ; la sculpture n’est pas une langue assez riche et assez claire pour exprimer tant de choses à la fois. L’expression des passions lui est à peu près interdite. Elle ne peut la mettre que sur le visage ; mais on a fait assez d’inutiles efforts en ce genre pour apprendre à y renoncer. Nous ne voyons donc dans cette figure qu’une jeune femme nue, couchée et à demi soulevée sur un de ses bras, la tête tournée vers le ciel, et dont le visage exprime une émotion pénible indéterminée. L’intérêt dramatique étant mis de côté, il ne reste à considérer dans cette statue que les formes, le mouvement, le style, et l’exécution qui comprend tout cela. Sous ces rapports essentiels, la figure de M. Etex laisse beaucoup à désirer. Elle manque de la souplesse de la vie ; tout y est tendu, roide, inflexible ; c’est la froideur et la dureté de la pierre. Le corps ne pèse pas sur le bras qui est censé le porter, il est comme soulevé de toutes pièces par une force extérieure. La tête est d’un type mesquin plutôt que délicat et d’un style vulgaire. Avec ces défauts que nous préférerions ne pas voir, nous remarquerions plus volontiers la finesse d’exécution de chaque partie en détail, des extrémités surtout qui sont étudiées et rendues avec un soin extrême. Nous féliciterions enfin M. Etex d’avoir cette fois franchement traité la sculpture en sculpteur, ce qui ne lui était pas peut-être encore arrivé, quoiqu’il en ait déjà fait beaucoup.

Le bas-relief (la Judith) de Mlle de Fauveau est pour beaucoup de gens une énigme. C’est là, à coup sûr, une sculpture tout-à-fait imprévue. Cependant il suffit de savoir d’où elle vient pour en connaître le secret. C’est tout simplement un pastiche très chargé de la sculpture florentine du temps de Donatello, et de Donatello lui-même. À la manière dont tout est brisé, disloqué, contourné, tortillé dans ce singulier morceau, on croirait plutôt voir du bois que du marbre. Le corps et les jambes de Judith, contre la coutume, ne vont pas de compagnie ; la moitié supérieure de son corps va à