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l’un dans la galerie de bois, l’autre (le verger) dans cette portion redoutée de la galerie que les artistes appellent les catacombes !

On sait que, dans l’opinion du public, le salon carré est la place d’honneur ; il n’admire avec pleine sûreté de conscience que les ouvrages qui se présentent à lui avec cette recommandation. Ces places sont des certificats de mérite. Cette année, le hasard, qui en est le distributeur, a fait de singuliers quiproquos à l’égard des paysagistes. Il a mis M. Corot dans les catacombes, et il a installé aux deux ou trois plus beaux endroits M. Wattelet, dont la Fuite en Égypte et la Vue d’Allevare (Isère) sont tout ce qu’on peut souhaiter de plus commun comme composition et comme goût, et d’une exécution toute mécanique. Il y a mis le Roland furieux de M. J. Victor Bertin et la Vue de la cascade de San-Cosimato de M. Bidauld, œuvres d’une insipidité toute classique. Il a particulièrement favorisé le grand paysage à figures de M. Humbert, pastiche hollandais, verni, poli et luisant comme un meuble neuf ; ouvrage inférieur au talent même de l’artiste, dont le Repos (groupe d’animaux et de figures) de la salle d’entrée a, comme lumière et perspective aérienne, des parties estimables. Il a eu la même prédilection pour le Souvenir de Suède de M. Wickenberg, qui sait incontestablement très bien imiter la glace, mais dont la manière minutieuse, la touche léchée et froide ne justifient pas suffisamment cette distinction.

J’en passe et des meilleurs, car il faut s’arrêter. Le hasard aurait été plus approuvé, si, à la place de ces toiles, il eût rencontré, par exemple, la Vue d’Auvergne de M. Gaspard Lacroix, peinture fine, gracieuse et élégante ; les fonds surtout sont, comme forme et comme couleur, d’une grande délicatesse, doux, transparens et lumineux. Cet artiste a dépassé ses premiers débuts, et on peut espérer beaucoup plus encore. Son exécution est un composé de force et de grace plein de séduction et d’attrait. Nous lui souhaitons pour l’an prochain la rencontre d’un heureux sujet, où elle puisse se déployer avec pleine réussite. Quelques autres talens auraient mérité aussi, soit comme débuts, soit comme progrès, l’encouragement de ce privilége, notamment M. Français, avec son Chemin, d’une exécution fort inégale, mais d’un sentiment juste et vrai ; M. Charles Leroux qui, dans son Allée d’ormes, son Vallon et son Marais, fait preuve d’une vigueur de touche et de ton peu commune, quoiqu’il ne sache pas la régler et la prodigue partout, défaut dont l’expérience le corrigera sans doute ; M. Loubon, pour son Abreuvoir (bords de rivière