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posé, est fort simple comme motifs, comme lignes et comme plan. À droite, une chaîne de montagnes se développe en profondeur et va se perdre à l’horizon ; sur la gauche s’élève un massif d’arbres de haute futaie, grandement plantés, et de la même souche évidemment que le chêne de la fable,

Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.

C’est dans le ciel que se trouvent l’invention et l’effet. L’orage est dans sa force, la pluie tombe à torrens, quelques nuages dispersés errent çà et là par flocons dans les hautes régions de l’atmosphère, tandis qu’une masse plus compacte, sombre, ténébreuse, noirâtre, refoulée par le vent, s’est condensée à gauche derrière le bois. Ce bouleversement de la tempête est rendu avec beaucoup de vigueur. Les robustes branches de ces grands arbres s’inclinent et se plient en tous sens sous l’effort du vent ; leur feuillage est bien tourmenté ; le mouvement particulier de rotation et de tourbillon que le vent d’orage imprime aux feuilles est admirablement rendu. La terre est inondée, l’eau y ruisselle de toutes parts. Un homme surpris par le mauvais temps hâte sa marche et lutte de son mieux contre la tempête. Il y a beaucoup de métier dans cette peinture, mais c’est un métier fort habile et fort attrayant. Nous remarquerons en passant que nos peintres de paysage n’abordent que très rarement l’imitation de ces grands phénomènes atmosphériques si familiers aux artistes flamands et hollandais.

Il serait difficile de trouver dans la hiérarchie du paysage la vraie place de M. Corot, et il importe peu de s’en enquérir. C’est un talent aimable et naïf qui ne cherche ni à imposer ni à surprendre l’admiration, et qui, en demandant peu, obtient beaucoup. Il n’y a guère d’artistes qui n’aient plus d’habileté ou d’industrie pratique, et ne puissent se servir plus adroitement de leur brosse ; mais il en est aussi très peu qui, avec tout le métier possible, sachent exprimer avec autant de charme et d’abandon ce qu’ils voient et sentent dans la nature. Son site d’Italie nous montre un terrain montueux fortement accidenté, semé de gros quartiers de rochers qui ne doivent leur place qu’aux hasards de la chute qui les y a amenés. Sur divers points, des arbres qui ont poussé à l’aventure, élèvent leurs tiges droites et élancées ; quelques petites fleurs jaunes, les plus modestes de la botanique, sourient timidement çà et là au milieu des broussailles. L’heure du jour n’est pas bien marquée. Le temps est gris ou