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à pic ; tout-à-fait au loin, à l’horizon, on aperçoit la cime fumante d’un volcan. Sur le premier plan, Hercule, la massue levée, attaque le dragon aux sept têtes, qui s’élance de sa caverne. À droite et à gauche, des arbres gigantesques étendent leur grande ombre sur le lieu de la scène. L’air est tout-à-fait calme ; les rayons du soleil, interceptés et brisés en partie par quelques légers nuages, ne jettent qu’un jour inégal sur les premiers plans, tandis qu’ils dorent d’une vive lueur les montagnes du fond et le sommet des masses rocheuses du centre. Le but de l’artiste a été évidemment de nous donner dans sa sauvage grandeur le spectacle de cette terre primitive, à peine foulée par les premiers pas de l’homme obligé d’en faire la conquête sur les monstres qui en sont encore les seuls souverains. Tout est ici emprunté à la pure imagination ; nous sommes dans le monde entièrement idéal du mythe et de la poésie ; l’impression que nous devons en attendre n’est pas celle qui résulterait de l’imitation plus ou moins habile d’un aspect quelconque de la nature et de ses apparences visibles habituelles, mais une impression morale correspondante à la pensée qui a présidé à la conception du sujet ; non une simple sensation, mais une idée. Telle a été sans aucun doute l’intention de M. Aligny.

L’effet de cette peinture ainsi considérée ne réalise peut-être pas pleinement le but de l’artiste. Ce n’est pas qu’elle n’offre, comme composition et comme exécution, de très belles qualités ; mais il est à craindre qu’en cherchant l’idéal, M. Aligny ne le dépasse pour arriver au conventionnel, ce qui est bien différent. Nous ne croyons pas qu’il soit décidément tombé dans cette dernière et fâcheuse alternative ; disons seulement qu’il y touche. Le système prédomine dans sa peinture, et principalement dans l’exécution. Nous admettons le système chez l’artiste, pourvu qu’il ne passe pas dans son ouvrage. Il ne nous appartient pas de donner des conseils à un talent si élevé et si mûr ; mais des observations sont permises, et c’est plutôt sous cette forme que sous celle d’une critique que nous lui soumettons ces remarques générales. Dans le détail, nous aurions à louer la belle disposition du massif d’arbres de droite avec l’échappée de vue dans un horizon lointain au-dessous de leurs hautes arcades, le dessin savant de ceux de gauche, dont les rameaux vigoureux, se projetant en masses épaisses, s’inclinent majestueusement à leur extrémité sous leur propre poids ; les terrains sont traités aussi avec beaucoup de largeur. C’est dans le mode d’exécution, dans le faire proprement dit, que nous trouverions trop de traces des procédés systématiques