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après lui. Il en fixa le goût et le style, dont l’empreinte est toujours restée depuis, malgré les variations des manières individuelles, dans la peinture de paysage des Italiens. Le Poussin lui-même ne fut, dans un sens général, malgré son originalité, qu’un de ses derniers disciples.

De Venise et de Bologne, le goût du paysage se répandit partout. Les Flamands et les Hollandais s’y attachèrent avec une prédilection marquée, et s’y acquirent de la gloire. Ils y déployèrent toute la finesse de sens, tout le talent d’observation et l’admirable habileté pratique dont ils faisaient preuve dans la peinture de genre. Ils poussèrent l’imitation de la nature au dernier degré de perfection. Chez eux, le paysage devint une spécialité. Plusieurs de leurs grands peintres d’histoire s’y exercèrent. Rubens, qui était aussi, lui, un sceptique, et qui peignait indifféremment tout ce que ses yeux voyaient, en a laissé beaucoup. Ils sont admirables de fougue, d’imagination et d’esprit. Le musée du Louvre en a trois. Les deux plus beaux que nous ayons vus sont ceux du palais Pitti à Florence. Rembrandt aussi en composa et grava bon nombre. Il est à peine besoin de rappeler les noms de Ruysdaël, de Both, de Berchem, de Wynants, de Backuysen, de Cuyp, de Van den Velde, de Paul Potter, de Wouwermans, de Teniers et de vingt autres.

Mais, par un hasard remarquable, c’est en France que la peinture du paysage s’éleva à une hauteur qui nous donne le pas sur toutes les autres écoles. Les deux plus grands paysagistes qui aient paru, le Poussin et Claude Lorrain, étaient Français, et il faut associer au Poussin le Gaspre, son parent et presque son émule. Ces deux maîtres se partagèrent le domaine du paysage dans les deux voies que cet art a toujours parcourues parallèlement, et qui constituent deux écoles, l’école idéaliste ou historique et l’école naturaliste, principalement représentées, la première par les Italiens et les Français, la seconde par les Flamands et les Hollandais.

Ces distinctions n’ont rien de très rigoureux ; entre les points extrêmes qui les marquent, entre le Poussin, par exemple, qui a donné le type le plus élevé et le plus systématique du paysage idéal, et Wynants ou Berchem, qui offrent celui du paysage agreste ou champêtre (nous nous servons des désignations consacrées), il y a une foule de manières et de styles intermédiaires. Claude Lorrain paraît, dans plusieurs de ses ouvrages, être placé sur la limite. Il était, comme Jean Both, une sorte de Flamand italianisé. Cependant, en le comparant au Poussin, à Titien ou au Dominiquin, on