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jestueux est seul digne de l’écrire. On ne contestera pas à M. Quinet ces brillantes qualités, et il leur doit d’excellentes choses là où elles suffisaient, quand il aborde des faits bien établis, toutes les fois, en général, qu’il abandonne les obscurités des systèmes théologiques, et surtout lorsqu’il se met à parler de littérature et d’art.

Cela nous fait espérer un beau livre dans le nouveau volume qu’il annonce. Au lieu des écueils qu’il a rencontrés cette fois, il trouvera partout l’avantage d’un sujet connu, et qui, plus qu’aucun autre, réclame un talent de la nature du sien. Il y a, en effet, dans l’histoire des religions modernes bien des choses qui, sous nos yeux depuis long-temps, demeurent encore inaperçues et ne peuvent être signalées que par un esprit comme celui de M. Quinet. On a jusqu’ici séparé l’évènement civil et l’évènement religieux. M. Quinet partira d’un principe plus juste en expliquant l’un par l’autre, les empires d’Orient par l’islamisme, les institutions du moyen-âge par le catholicisme, les libertés modernes par la réforme. C’est rendre à l’histoire religieuse toute son étendue, à l’histoire civile toute sa grandeur ; il en jaillira sur les deux une riche lumière. Ce plan est largement conçu, et il peut être réalisé. M. Quinet ne réussira cependant qu’à une condition. On désirerait souvent chez lui plus de précision. Il quitte volontiers le terrain des faits pour des idées générales qui, sans contours assez arrêtés, échappent quand on veut les saisir. M. Quinet s’est trop laissé dominer par cette tendance. Ce n’est pas qu’il y cède toujours : il a su plus d’une fois la combattre avec succès. Qu’il lutte donc encore, qu’il néglige moins la partie positive de l’histoire, qu’il détermine plus rigoureusement sa pensée ; et alors il pourra faire un livre digne du sujet, et tenir tout ce que nous a promis son talent.


A. Lébre.