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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

l’idylle, telle que les anciens l’entendaient : « Ce nom d’Idillie m’a semblé se rapporter mieux à mes desseins, d’autant qu’il ne signifie et ne représente que diverses petites images et gravures en la semblance de celles qu’on grave aux lapis, aux gemmes et calcédoines, pour servir quelquefois de cachet. Les miennes en la sorte, pleines d’amour enfantine, ne sont qu’imagettes et petites tablettes de fantaisies d’Amour. » Une idylle, une odelette anacréontique ou une pierre gravée, c’est bien cela ; et, à la grace précise de sa définition, le bon Vauquelin montre assez qu’il a dû souvent atteindre dans le détail à la justifier. Son volume de poésies est peut-être celui d’où l’on tirerait le plus de traits dans le goût de ceux que nous cherchons :

Amour, tais-toi ! mais prends ton arc,
Car ma biche belle et sauvage,
Soir et matin, sortant du parc,
Passe toujours par ce passage.

Voici sa piste : oh ! la voilà !
Droit à son cœur dresse ta vire[1],
Et ne faux point ce beau coup-là,
Afin qu’elle n’en puisse rire.

Hélas ! qu’aveugle tu es bien !
Cruel, tu m’as frappé pour elle :
Libre, elle fuit, elle n’a rien ;
Mais las ! ma blessure est mortelle.

Mais il faut craindre pourtant d’entasser par trop ces riens agréables et d’affadir à force de sucreries. Je n’ai voulu ici que dégager un dernier point de vue en cette poésie du XVIe siècle et diriger un aperçu dont l’idée est plus souriante que le détail prolongé n’en serait piquant. L’Anacréon, chez nous, ne cessa de vivre et de courir sous toutes les formes durant le siècle suivant et depuis jusqu’à nos jours. L’abbé de Rancé, âgé de douze ans, en donnait une très bonne édition grecque ; La Fontaine le pratiquait à la gauloise toute sa vie. Chaulieu, plus qu’aucun, se peut dire notre Anacréon véritable, et c’est dommage que sa poésie trop négligemment jetée ne nous rende pas tout son feu naturel et son génie. Moncrif, avec bien moins de

    bonne notice sur Vauquelin, par M. Victor Choisy : recommandable exemple pour chaque ville ou chaque province d’étudier ainsi son vieux poète.

  1. Vire, espèce de trait d’arbalète, lequel, lorsqu’on le tire, vole comme en tournant (Ménage).