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REVUE — CHRONIQUE.

Akbar-Khan, le fils favori du Dost. C’est ce même Akbar-Khan que nous avons retrouvé à la tête de l’insurrection de Caboul ; c’est lui qui a tiré un coup de pistolet dans la poitrine de l’envoyé anglais, sir William MacNaghten. Le malheureux Burnes ne se doutait pas qu’il donnait la main au futur vengeur des Barukzis.

L’envoyé anglais se rencontra à Caboul avec l’envoyé russe Vicowich. Nous avons raconté précédemment leurs mutuels efforts. Il est certain que Dost-Mohammed hésita long-temps. Il disait à Burnes : « Au lieu de recommencer la guerre, je serais heureux que le gouvernement britannique voulût me conseiller ; je m’engagerais en retour à seconder ses vues commerciales et politiques. »

La politique des Barukzis était d’ailleurs de flatter tour à tour les espérances des deux agens afin de tirer d’eux les meilleures conditions. Le chef de Candahar écrivait à son frère de Caboul, dans le post-scriptum, dit-on, d’une de ses lettres : « Quand le Russe viendra à Caboul, montre-lui du respect ; cela mettra Burnes en émoi (it will rouse the mind of Burnes). Sa présence engagera Burnes à parler clair et à aller vite en besogne. » On sait déjà comment le Russe resta le maître de la place. Ce ne fut pas sans que Burnes eût tenté des efforts réitérés sur son gouvernement pour le déterminer à protéger le Barukzi. Il s’éleva à ce moment une lutte pleine d’intérêt entre les divers officiers anglais qui se partageaient l’influence à la cour de l’Inde. M. MacNaghten, secrétaire du gouverneur-général, et le capitaine Wade, résident de Loudiana, protégeaient le Sudozi Soudja, pendant que Burnes, de son côté, prêchait pour son saint Barukzi.

Burnes n’avait qu’une fort médiocre estime pour Soudja. « Ses manières, disait-il, son ton, annoncent un homme extrêmement poli ; quant à son jugement, il est à peu près nul. La dynastie des Sudozis a passé, disait-il ailleurs ; elle ne pourra se rétablir qu’à l’aide de l’étranger… Il est plus difficile de faire revivre que d’élever une dynastie. Si l’Afghanistan est encore destiné à devenir une monarchie, il faut chercher une autre maison que celle des Sudozis pour la rétablir, et, suivant toutes les probabilités, ce sera celle des Barukzis[1].

Nous avons déjà parlé plusieurs fois des aventures de shah Soudja. Ce qui semble dominer dans le caractère de ce prince si souvent nomade, c’est une certaine indifférence philosophique et une persévérance qui donneraient de son courage meilleure opinion que Burnes n’avait de son jugement. Nous l’avons vu s’y reprendre à quatre ou cinq fois pour reconquérir son royaume, le reperdre, et recommencer encore. Après chacune de ces guerres de prétendant, il s’en retournait à Loudiana chez les Anglais, et écrivait paisiblement ses mémoires qui ont été publiés, mais qui ne sont guère autre chose qu’un journal sans aucune espèce de critique.

Un des malheurs de Soudja fut d’avoir en sa possession le Koh-i-Nour, diamant célèbre dans les fastes de l’Asie ; il fut exposé à des persécutions

  1. Travels, t. III, l. ii, c. v.