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POÉSIES.

Et, retirant le feu dans ta rose narine,
De l’écume du mors tu lavais ses pieds blancs !


Penses-tu quelquefois, l’œil baissé vers la terre,
À ce maître venu dans ton désert natal,
Qui parlait sur ta croupe une langue étrangère,
Et qui t’avait payé d’un monceau de métal ?


Penses-tu quelquefois à ta jeune maîtresse,
Qui, pour parer ta bride, houri d’un autre ciel,
Détachait les rubis ou les fleurs de sa tresse,
Et dont la main t’offrait de blancs cristaux de miel ?


Où sont-ils ? que font-ils ? quels climats les retiennent ?
Les vaisseaux dont tu vois souvent blanchir les mâts,
Ces grands oiseaux des mers qui vont et qui reviennent,
Sur ton sable doré ne les déposent pas !


Ne les hennis-tu pas de ton naseau sonore ?
Ton cœur dans ton poitrail ne bat-il pas d’amour
Quand ton oreille entend dans les champs de l’aurore
Résonner les doux mots qu’ils t’apprirent un jour ?


Oh ! oui ; car de ta selle, en détachant mes armes,
Tu me jetas tout triste un regard presque humain !
Je vis ton œil bronzé se ternir, et deux larmes
Le long de tes naseaux roulèrent sur ma main !